La personne visée dans un acte de saisie conservatoire ou de nantissement judiciaire dispose nécessairement d’un intérêt à agir

La personne visée dans un acte de saisie conservatoire ou de nantissement judiciaire dispose nécessairement d’un intérêt à agir

Civ. 2e, 29 juin 2023, FS-B, n° 19-11.732

 

Ce qu’il faut retenir :

En application des articles 31 du Code de procédure civile et R. 512-1 du Code des procédures civiles d’exécution, justifie d’un intérêt à agir en contestation la personne visée dans un acte de saisie conservatoire ou de nantissement judiciaire à l’encontre de laquelle une telle mesure a été pratiquée, et cela même dans l’hypothèse où les fonds saisis ne lui appartiennent pas.

 

Pour approfondir :

Par un arrêt du 31 octobre 2000 rendu par la Cour d’appel de La Haye, déclaré exécutoire en France, l’État d’Irak et la Banque centrale d’Irak ont été condamnés solidairement à payer une certaine somme à une société de droit néerlandais.

 

En application de cette décision, la société de droit néerlandais a fait pratiquer entre les mains d’un banque française une saisie conservatoire de créances, une saisie conservatoire de droits d’associé et de valeurs mobilières et un nantissement judiciaire provisoire à l’encontre de « l’État Irakien et ses entités dont les fonds appartiennent à l’Irak en vertu de résolutions de l’ONU ».

 

Parmi ces entités se trouvait une société de droit panaméen, dont les fonds présents sur le compte bancaire français saisi appartenaient à l’État irakien, et qui s’est ainsi vu dénoncer ces mesures conservatoires.

 

La société de droit panaméen a assigné la société créancière devant le juge de l’exécution en nullité desdites mesures.

 

Le juge de l’exécution ayant déclaré les demandes de la société panaméenne recevables et ayant de plus ordonné la mainlevée des mesures, la société créancière a interjeté appel de ce jugement au motif que celle-ci était dépourvue d’un intérêt à agir en contestation des mesures conservatoires puisqu’elle n’était pas propriétaire des fonds saisis.

 

La Cour d’appel de Paris a fait droit à la demande de la société créancière, au motif que la société panaméenne ne disposait pas d’un intérêt à agir pour demander la mainlevée des mesures pratiquées puisqu’elle n’était pas propriétaire des fonds. Cette dernière s’est pourvue en cassation.

 

La Cour de cassation, dans son arrêt du 29 juin 2023, infirme l’arrêt de Cour d’appel et précise que « dès lors qu’elle est visée dans un acte de saisie conservatoire ou de nantissement judiciaire provisoire, la personne à l’encontre de laquelle cette mesure est pratiquée a un intérêt à la contester ».

 

Bien que rendu dans un contexte international particulier, ces éléments d’extranéité n’ont en réalité pas eu d’incidence dans la décision de la haute juridiction, qui rend ici une décision de principe s’appliquant pour toutes mesures conservatoires ou nantissements judiciaires pratiqués sur le sol français.

 

La Cour de cassation affirme ainsi qu’en application des articles 31 du Code de procédure civile et R. 512-1 du Code des procédures civiles d’exécution, justifie d’un intérêt à agir en contestation la personne visée dans un acte de saisie conservatoire ou de nantissement judiciaire à l’encontre de laquelle une mesure conservatoire a été pratiquée, et cela même dans l’hypothèse où les fonds saisis ne lui appartiennent pas.

 

Un article rédigé par Clémence Berne, du département Concurrence, Distribution, Consommation et Sophie Barruet du département Contrats, affaires complexes