Liberté de la preuve pour le vendeur d’espaces publicitaires tiers au contrat de mandat conclu entre l’annonceur et son mandataire
Cass. com., 29 janvier 2025, n°23-19.341, publié au Bulletin
Ce qu’il faut retenir :
Le vendeur d’espaces publicitaires qui a conclu un contrat de vente avec le mandataire d’un annonceur bénéficie d’une action directe en paiement contre l’annonceur s’il justifie du principe de sa créance et du pouvoir du mandataire lors de la conclusion du contrat de vente sans être tenu de rapporter la preuve que le mandat a été conclu par écrit.
Pour approfondir :
En l’espèce, un groupement d’intérêt économique, représentant plusieurs sociétés spécialisées dans la publicité au sein des transports en commun, a conclu deux contrats de vente d’espaces publicitaires avec la société Agence OA, qui se présentait comme le mandataire de la société Backstage.
Dans ce cadre, le groupement d’intérêt économique a assigné la société Backstage devant le Tribunal de commerce de Paris aux fins d’obtenir le paiement de ses prestations.
C’est dans ce contexte que la Cour d’appel de Paris (dans un arrêt rendu le 26 mai 2023 n° 21/20582) a rejeté les demandes du groupement d’intérêt économique.
La Cour d’appel de Paris a considéré que le groupement d’intérêt économique ne rapportait pas la preuve de la créance qu’il revendiquait à l’encontre de la société Backstage au titre des contrats de vente.
Plus précisément, la Cour d’appel de Paris a retenu que les attestations de mandat fournies par le groupement d’intérêt économique ne répondaient pas au formalisme imposé par l’article 20 de la loi du 29 janvier 1993 relative aux achats d’espaces publicitaires, c’est-à-dire à la conclusion d’un contrat de mandat écrit entre la société Backstage, en sa qualité d’annonceur, et la société Agence OA, en sa qualité d’intermédiaire, détaillant notamment la rémunération de la société Agence OA.
Un pourvoi en cassation a été formé par le groupement d’intérêt économique contre l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris.
Ce dernier soutenait que le vendeur d’espaces publicitaires peut rapporter la preuve par tous moyens du contrat de mandat conclu entre l’intermédiaire et l’annonceur auquel il n’est pas parti, et ce sur le fondement des articles 1984 et 1998 du Code civil.
Par son arrêt en date du 29 janvier 2025, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris.
La Cour de cassation rappelle que :
- - La méconnaissance des dispositions de l’article 20 de la loi du 29 janvier 1993 relative aux achats d’espaces publicitaires n’est pas sanctionnée par la nullité du mandat mais par la privation de toute rémunération de l’intermédiaire.
- - Le mandat est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom. Le contrat ne se forme que par l'acceptation du mandataire.
- - Le mandant est tenu d'exécuter les engagements contractés par le mandataire, conformément au pouvoir qui lui a été donné. Il n'est tenu de ce qui a pu être fait au-delà, qu'autant qu'il l'a ratifié expressément ou tacitement.
Surtout, la Cour de cassation précise qu’il est de jurisprudence constante que le tiers peut rapporter la preuve par tous moyens du contrat de mandat auquel il n’est pas parti.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, la Cour de cassation considère que le groupement d’intérêt économique bénéficie d’une action directe en paiement contre la société Backstage à condition qu’il justifie du principe de sa créance et du pouvoir de la société Agence OA lors de la conclusion des deux contrats de vente mais sans être tenu de rapporter la preuve que le mandat a été conclu par écrit.
Ainsi, en exigeant que le groupement d’intérêt économique produise un contrat de mandat écrit conclu entre la société Agence OA et la société Backstage et répondant aux exigences prévues à l'article 20 de la loi du 29 janvier 1993 relative aux achats d’espaces publicitaires, alors qu'il pouvait rapporter par tous moyens la preuve de ce contrat auquel il n'était pas partie, la Cour d’appel de Paris a violé les articles 1984 et 1998 du Code civil.
À rapprocher : Cass., 1ère civ., 3 juin 2015, n°14-19.825 ; Cass., 3ème civ., 3 octobre 2024, n°23-13.242
Un article rédigé par Estelle PHILIPPON du département Concurrence, Distribution, Consommation