Précieux rappel des critères de qualification d’un jugement réputé contradictoire

Précieux rappel des critères de qualification d’un jugement réputé contradictoire

Cass, 2e civ, 14 septembre 2023, n° 21-23.793

 

Ce qu’il faut retenir :

La Cour de cassation rappelle avec pédagogie les règles de qualification des jugements, permettant l’application de l’article 478 du Code de procédure civile selon lequel le jugement réputé contradictoire au seul motif qu’il est susceptible d’appel est non avenu lorsqu’il n’a pas été notifié dans les six mois de sa date.

 

Pour approfondir :

En l’espèce, par jugement du 2 décembre 2016, un tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire d’un entrepreneur d’office, à savoir hors sa présence lors de l’audience de jugement.

 

Ce jugement d’ouverture ne lui ayant pas été signifié dans les six mois de sa date, l’entrepreneur défaillant a donc saisi le juge de l’exécution sur le fondement de l’article 478 du Code de procédure civile, invoquant, à ce titre, que le jugement était non avenu.

 

Le juge de l’exécution, puis la Cour d’appel de Montpellier, ont refusé de faire droit à cette demande, estimant que l’article 478 du Code de procédure civile n’était pas applicable à l’espèce.

 

Les juges d’appel avaient plus précisément estimé que le défendeur ne s'était pas présenté à l'audience du 25 novembre 2016 à la suite de laquelle a été rendu ledit jugement du 2 décembre 2016, de sorte qu’il s’agissait d’un jugement contradictoire et que la sanction prévue par l’article 478 du Code de procédure civile n’a pas vocation à s’appliquer.

 

L’entrepreneur s’est alors pourvu en cassation au visa des articles 473 et 478 du Code de procédure civile.

 

Par le présent arrêt, la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel dans les termes suivants :

 

« 4. Selon le premier de ces textes, lorsque le défendeur ne comparaît pas, le jugement est rendu par défaut si la décision est en dernier ressort et si la citation n’a pas été délivrée à personne. Le jugement est réputé contradictoire lorsque la décision est susceptible d’appel ou lorsque la citation a été délivrée à la personne du défendeur.

5. Il résulte du second que le jugement rendu par défaut ou le jugement réputé contradictoire au seul motif qu’il est susceptible d’appel est non avenu s’il n’a pas été notifié dans les six mois de sa date.

6. Pour confirmer le jugement, l’arrêt retient que le jugement querellé est dit contradictoire, et que la sanction prévue par l’article 478 du code de procédure civile n’a pas vocation à s’appliquer.

7. En statuant ainsi, alors que le jugement attaqué, qui était susceptible d’appel était réputé contradictoire et devait être notifié dans les six mois de sa date, la cour d’appel a violé les textes susvisés. »

 

La Haute juridiction rappelle ainsi de manière particulièrement pédagogue l’importance de la qualification du jugement.

 

L’on sait en effet que l’article 478 du Code de procédure civile édicte la règle selon laquelle « le jugement rendu par défaut ou le jugement réputé contradictoire au seul motif qu'il est susceptible d'appel est non avenu s'il n'a pas été notifié dans les six mois de sa date. »

 

Pour autant, cette disposition ne s’applique, comme énoncé par ce texte, qu’aux (i) jugements rendus par défaut et (ii) aux jugements réputés contradictoires, ce qui nécessite donc de s’interroger sur les critères de qualification de ces mêmes jugements.

 

Or, à ce titre, il convient de rappeler que :

  • Le jugement par défaut suppose la réunion de trois conditions cumulatives (CPC, art. 473, al. 1) :
    • a. le défendeur ne comparaît pas ;
    • b. la citation n’a pas été délivrée à personne ;
    • c. la décision est rendue en dernier ressort.

 

  • Le jugement réputé contradictoire suppose quant à lui la réunion de deux conditions, dont la seconde est alternative (CPC, art. 473, al. 2) :
    • a. le défendeur ne comparaît pas ;
    • b. la décision est susceptible d’appel OU la citation a été délivrée à la personne du défendeur.

 

En l'espèce, le jugement rendu par le tribunal de commerce était un jugement ayant prononcé d’office la liquidation judiciaire du débiteur.

 

Il s’agissait donc d’un jugement réputé contradictoire dès lors que :

  • a. le défendeur (qui avait certes comparu à la première audience) n’avait pas comparu à l’audience de jugement à laquelle avait été renvoyée l’affaire et n’avait ainsi pu faire valoir, à cette occasion, sa défense. La présente espèce permet ainsi de souligner que s’agissant de la qualification du jugement rendu dans le cadre d’une procédure orale, seule la comparution du défendeur à l’audience de jugement doit être prise en compte.
  • b. ce jugement – qui est un jugement d’ouverture d’une liquidation judiciaire – était susceptible d’appel conformément à l’article L.661-1 du Code de procédure civile.

 

Dans ces conditions, la Cour de cassation juge, en l’espèce, que conformément à l’article 478 du Code de procédure civile, ce jugement réputé contradictoire au seul motif qu'il est susceptible d'appel aurait dû être notifié dans les six mois de sa date.

 

À rapprocher : CPC, art. 473 ; CPC, art. 478 

 

Un article rédigé par Marianne Domingues et Julie Ricau du département Contrats, affaires complexes