Impayés locatifs et procédure collective : une étape supplémentaire vers un assouplissement des règles de la résiliation de plein droit du bail

Impayés locatifs et procédure collective : une étape supplémentaire vers un assouplissement des règles de la résiliation de plein droit du bail

Cass. com. 12 juin 2024 / n° 22-24.177

Ce qu’il faut retenir :  

Le juge-commissaire doit s’assurer, au jour où il statue, que les loyers et charges postérieurs au jugement d’ouverture demeurent impayés. Ainsi, si les sommes dues à ce titre ont été acquittées, la requête du bailleur en constatation de la résiliation du bail doit être rejetée.

 

Pour approfondir :

En l’espèce, quatre mois après l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire de son locataire, un bailleur saisit, au visa de l’article L. 622-14 alinéa 2 du code de commerce, le juge-commissaire d’une requête aux fins de constat de la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d’ouverture de la procédure collective.

Le juge-commissaire rejette cette demande au motif que les loyers et charges impayés ont été régularisés la veille du dépôt de sa requête par le bailleur. Il est suivi en cela par la Cour d’appel de Paris qui statue en ces termes : « le défaut de paiement des loyers échus postérieurement au jugement d’ouverture doit être établi au jour de l’introduction de la requête et que ce défaut de paiement constitue une condition de fond de la résiliation. Ainsi, si au jour de la requête les loyers échus postérieurement à l’ouverture de la procédure et demeurés impayés ont été réglés, la résiliation du bail ne peut être prononcée par le juge »[1].

La Cour de cassation est saisie du pourvoi formé par le bailleur qui estimait - à la lettre de l’article L. 622-14 alinéa 2 la Cour de cassation – qu’en l’absence de règlement des loyers et charges dans le trois suivant le jugement d’ouverture, le juge-commissaire ne pouvait que résilier le bail peu important que la situation ait été régularisée antérieurement au dépôt de sa requête intervenue quatre mois après ce même jugement. La Chambre commerciale rejette ce moyen aux termes d’une solution qui va plus loin que les Juges du fond puisqu’elle admet que les règlements puissent intervenir au-delà même de la saisine par le bailleur du juge-commissaire.

Dans cet arrêt publié au bulletin, la Cour de cassation pose en principe que la résiliation du bail ne peut être prononcée par le Juge-commissaire si – au jour où il statue – la dette locative a été éteinte :

«  Il résulte de l’article L. 622-14, 2°, du code de commerce rendu applicable au redressement judiciaire par l’article L. 631-14 du même code et de l’article R. 622-13, alinéa 2, rendu applicable au redressement judiciaire par l’article R. 631-20, que le juge-commissaire, saisi par le bailleur d’une demande de constat de la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d’ouverture, doit s’assurer, au jour où il statue, que des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d’ouverture demeurent impayés. »

Si cette solution semble contredire le texte de l’article L. 622-14 du Code de commerce qui prévoir en son alinéa 2, un cas de résiliation de plein droit « pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d'ouverture » dans « un délai de trois mois à compter dudit jugement » à moins que « le paiement des sommes dues [n’intervienne] avant l'expiration de ce délai, il n'y a pas lieu à résiliation », reste que la position de la Cour de cassation peut se comprendre au regard de l’impérieuse nécessité de préserver un actif (le bail) indispensable au sauvetage de l'entreprise tout en préservant les intérêts financiers du propriétaire qui, rempli de ses droits au moment où sa demande de résiliation est examinée, perd son intérêt à agir.

Sous l’angle de la cession du fonds de commerce en liquidation judiciaire, cette solution présente également un intérêt indéniable puisqu’elle donne plus de souplesse à la commercialisation de cet actif par le mandataire judiciaire en limitant considérablement le risque d’une résiliation constatée par le juge-commissaire.

 

A rapprocher :

Cass. com., 12 juin 2024, n° 22-24.177

Cour d’appel de Paris, 22 septembre 2022, n°21/14862

CA Paris, Pôle 5 - ch. 9, 4 avril 2024, n° 23/13690

C. com. L. 622-24 al.2

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[1] Cour d’appel de Paris, 22 septembre 2022, n°21/14862

 

Article rédigé par Kristell Quelennec et Clémentine Leroy Bourgeois, du département Entreprises en difficulté