Union Européenne / Indonésie Accord de Libre-Echange : une nouvelle ère pour les relations commerciales ?

Union Européenne / Indonésie
Accord de Libre-Echange :une nouvelle ère pour les relations commerciales ?
Union Européenne / Indonésie
Accord de Libre-Echange : une nouvelle ère pour les relations commerciales ?

Point au 23 septembre 2025

En bref :

Après 9 ans de négociations, l'Union européenne (UE) et l'Indonésie sont parvenues à un accord de coopération le 23 septembre 2025. Cet accord vise à créer une zone de libre-échange entre l'UE et le 4ème pays le plus peuplé au monde, concernant plus de 720 millions de personnes.

Un accord politique avait été conclu le 13 juillet 2025 entre Ursula von der Leyen et le président indonésien Prabowo Subianto, conduisant à la finalisation des négociations le 23 septembre à Bali.

L'accord comprend deux instruments juridiques distincts : (i) un accord-cadre de partenariat économique global (CEPA) et (ii) un accord de protection des investissements (IPA), incluant un protocole spécifique sur l'huile de palme pour répondre aux préoccupations environnementales.

Pour mémoire :

L'Indonésie est le 4ème pays le plus peuplé au monde et la plus grande économie d'Asie du Sud-Est, membre de l'ASEAN.

Les relations commerciales entre l'UE et l'Indonésie s'élevaient à 30,1 milliards de dollars (25,6 milliards d'euros) en 2024, faisant de l'UE le 5ème partenaire commercial de l'Indonésie.

Les négociations pour un accord de libre-échange ont été lancées en 2016, dans un contexte où l'UE cherchait à diversifier ses partenariats commerciaux en Asie-Pacifique.

Les discussions se sont accélérées en 2025, notamment après la hausse des droits de douane américains sous l'administration Trump, qui a poussé les deux parties à finaliser rapidement un accord mutuellement bénéfique.

Le 13 juillet 2025, un accord politique majeur a été conclu entre Ursula von der Leyen et Prabowo Subianto à Bruxelles, ouvrant la voie à la conclusion technique des négociations.

Le 23 septembre 2025, l'UE et l'Indonésie ont officiellement conclu les négociations à Bali, aboutissant à :

  1. l'accord-cadre de partenariat économique global (CEPA - Comprehensive Economic Partnership Agreement), comprenant la libéralisation des échanges commerciaux et des services ; et
  2. l'accord de protection des investissements (IPA - Investment Protection Agreement).

L'accord comprend également un protocole spécifique sur l'huile de palme, visant à établir un dialogue sur les évolutions réglementaires concernant ce secteur sensible et à promouvoir l'huile de palme durable.

L'accord devra maintenant être approuvé par le Conseil de l'UE (majorité qualifiée) et le Parlement européen avant son entrée en vigueur. Contrairement à certains accords « mixtes », le CEPA relève de la compétence exclusive de l'UE, évitant ainsi la ratification par les parlements nationaux des 27 États membres.

Que vont changer ces accords ?

L'accord a pour principal objectif de faciliter les échanges commerciaux entre les deux parties et de sécuriser l'accès aux ressources stratégiques.

  1. Pour l'Union européenne : L'accord permettra de supprimer progressivement les droits de douane sur 98,5 % des produits européens exportés vers l'Indonésie. Cela représente une économie d'environ 600 millions d'euros par an pour les entreprises européennes. Les secteurs concernés incluent :
    • L'automobile (notamment allemande)
    • Les produits agroalimentaires (viande, produits laitiers, fruits, légumes)
    • Les produits chimiques et pharmaceutiques
    • Les équipements industriels
  2. Pour l'Indonésie : En retour, 80 à 90 % des produits indonésiens bénéficieront de droits de douane nuls ou réduits sur le marché européen, notamment :
    • L'huile de palme (avec le protocole de durabilité)
    • Les textiles et chaussures
    • Le café
    • Les produits de la pêche
    • Les matières premières critiques pour les transitions numérique et énergétique

L'accord comprend également un volet de coopération pour renforcer les liens politiques et économiques entre l'UE et l'Asie du Sud-Est, dans un contexte de rivalité sino-américaine croissante.

Enjeux majeurs pour les acteurs économiques :

 

Un accord qui fait débat :

Malgré son potentiel économique et géostratégique, l'accord suscite de vives critiques.

  1. Impact environnemental : La principale préoccupation concerne la déforestation en Indonésie, notamment liée à la production d'huile de palme. Les organisations environnementales dénoncent un accord qui pourrait encourager la déforestation, en contradiction avec le règlement européen anti-déforestation (EUDR), dont l'entrée en vigueur a d'ailleurs été reportée d'un an, à fin 2026. Le protocole sur l'huile de palme est jugé insuffisant car il ne contient pas de mécanismes contraignants.
  2. Concurrence économique : Les secteurs européens du textile et de la chaussure craignent une concurrence accrue des produits indonésiens, fabriqués avec des coûts de main-d'œuvre significativement plus bas. Les organisations syndicales s'inquiètent également des conditions de travail dans certains secteurs indonésiens.
  3. Contexte géopolitique : L'accord s'inscrit dans une stratégie de l'UE visant à :
    • Renforcer sa présence en Asie du Sud-Est face à l'influence chinoise
    • Diversifier ses approvisionnements en matières premières critiques
    • Contrer le protectionnisme américain
    • Sécuriser les chaînes d'approvisionnement stratégiques

Certains critiques estiment que ces impératifs géopolitiques ont conduit l'UE à faire des concessions sur ses standards environnementaux.

  1. Questions démocratiques : Le fait que l'accord ne nécessite pas la ratification des parlements nationaux suscite des interrogations sur le processus démocratique, notamment en France où le débat public sur les accords commerciaux est vif depuis l'accord avec le Mercosur.

Ce que doivent anticiper les entreprises françaises / européennes :

  1. Opportunités sectorielles : Identifier les produits bénéficiant le plus de la suppression des droits de douane (automobile, agroalimentaire, produits laitiers, équipements industriels) et évaluer le potentiel du marché indonésien (280 millions d'habitants, classe moyenne en expansion).
  2. Veille réglementaire : Suivre attentivement l'évolution du règlement anti-déforestation (EUDR) et son application aux importations indonésiennes ; surveiller les exigences de traçabilité pour l'huile de palme et autres produits sensibles.
  3. Chaînes d'approvisionnement : Évaluer les opportunités d'approvisionnement en matières premières critiques en Indonésie ; adapter les chaînes logistiques pour profiter de la réduction des coûts douaniers ; anticiper les contraintes liées aux certifications de durabilité.
  4. Risque réputationnel : Mettre en place des politiques rigoureuses de due diligence environnementale et sociale, particulièrement pour les produits liés à la déforestation ; communiquer de manière transparente sur les pratiques d'approvisionnement responsable.
  5. Concurrence accrue : Se préparer à une compétition intensifiée dans certains secteurs (textile, chaussures, produits transformés) ; miser sur la différenciation qualitative et le respect des normes européennes comme avantages concurrentiels
  6. Veille géopolitique : Suivre les évolutions politiques en Indonésie et dans la région ; anticiper les impacts potentiels des tensions sino-américaines sur les flux commerciaux.

Et après ?

Le processus de ratification est simplifié par rapport à d'autres accords commerciaux.

  • Ratification européenne : L'accord doit être approuvé par le Conseil de l'UE (majorité qualifiée : 55 % des États membres représentant 65 % de la population) et par le Parlement européen. Cette procédure simplifiée évite la ratification par les 27 parlements nationaux, car l'accord relève de la compétence exclusive de l'UE.
  • Ratification indonésienne : Le parlement indonésien devra également ratifier l'accord.
  • Calendrier prévisionnel : L'entrée en vigueur pourrait intervenir dans les 12 à 24 mois suivant la signature, soit potentiellement dès 2026-2027, sous réserve d'approbation par toutes les parties.
  • Controverses attendues : Malgré la procédure simplifiée, l'accord pourrait faire face à une opposition significative au Parlement européen, notamment de la part des groupes écologistes et de certains eurodéputés préoccupés par les questions environnementales et sociales.

Le débat sur cet accord intervient alors que l'accord UE-Mercosur fait également l'objet de vives contestations, notamment en France, créant un climat politique tendu autour des accords de libre-échange.

Pour aller plus loin :

https://france.representation.ec.europa.eu/informations/lue-et-lindonesie-concluent-les-negociations-en-vue-dun-accord-de-libre-echange-2025-09-23_fr

Un article rédigé par Cristelle ALBARIC  du département International