Une erreur imputable à la juridiction s’agissant d’un acte de notification d’un jugement ne fait pas courir le délai d’appel

Une erreur imputable à la juridiction s’agissant d’un acte de notification d’un jugement ne fait pas courir le délai d’appel

Cass, 2e civ, 13 avril 2023, n° 21-21.242

 

Ce qu’il faut retenir :

Il résulte de l'article 6§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui consacre le droit d'accès au juge, qu'un justiciable, fût-il représenté ou assisté par un avocat, ne saurait être tenu pour responsable du non-respect des formalités de procédure imputable à la juridiction ; l'irrecevabilité de son recours s'analysant en une entrave à son droit d'accès à un tribunal.

 

Pour approfondir :

En l’espèce, un salarié avait engagé une action à l’encontre de son employeur aux fins de contester son licenciement.

Un jugement a été rendu par le Conseil de prud'hommes d'Amiens.

Il convient de rappeler qu’en matière prud’homale, le greffe notifie le jugement aux salariés ainsi qu’aux employeurs.

En l’espèce, si le greffe avait procédé à la notification du jugement rendu par le Conseil de prud'hommes d'Amiens, celui-ci avait, dans cette même notification, commis une erreur sur l’identité des parties.

Or, du fait de cette erreur, le salarié avait interjeté appel contre une société tierce au procès (en lieu et place de son employeur).

 

Par conséquent, en application de l’article 547 du Code de procédure civile, ce premier appel avait été jugé irrecevable pour avoir été dirigé contre une personne qui n'était pas partie au jugement de première instance.

Le salarié avait donc interjeté appel une seconde fois, cette fois-ci, contre son véritable employeur, alors même que le délai d’appel, courant à compter de la notification par le greffe, avait expiré.

 

Dans un arrêt du 18 novembre 2020, la Cour d’appel d’Amiens, avait alors déclaré irrecevable ce second appel en raison de sa tardiveté, considérant que l’erreur dans l'identité des parties n'avait pas pour effet de rendre irrégulière la notification du jugement de première instance opérée par le greffe d'un conseil de prud'hommes, ces mentions ne figurant pas au nombre de celles prévues par les articles 680 du Code de procédure civile et R.1454 du Code du travail.

 

Le salarié s’est alors pourvu en cassation, faisant grief aux juges du fond d’avoir déclaré irrecevable comme tardif son second appel, interjeté l'encontre du jugement du Conseil de prud'hommes d'Amiens et de constater le dessaisissement de la Cour d'appel d'Amiens. Ce dernier faisait en effet valoir au moyen de son pourvoi une violation de l’article 6§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales sur le droit d’accès au juge.

 

Par le présent arrêt, la Cour de cassation retient cette argumentation et casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel au visa de cet article 6§1.

 

La Cour de cassation considère en effet, qu’un justiciable ne saurait être tenu pour responsable du non-respect des formalités de procédure imputable à la juridiction, l'irrecevabilité de son recours s'analysant en une entrave à son droit d'accès à un tribunal. La Haute juridiction précise également, par la formule « fût-il représenté ou assisté par un avocat », que cette solution s’applique à tout justiciable, y compris ceux qui seraient représentés par un avocat.

 

Le présent arrêt rejoint et élargit donc la solution déjà retenue par la Cour de cassation par le passé, selon laquelle « le délai de recours ne court pas en cas d'absence de mention ou de mention erronée dans l'acte de notification d'un jugement de la voie de recours ouverte, de son délai ou de ses modalités » (Cass. civ. 2, 17 mai 2018, n° 17-17.480).

 

Un article rédigé par Clarence Dommee et Julie Ricau du département Contrats, affaires complexes