Un créancier non professionnel titulaire d’une sûreté réelle peut procéder à la vente forcée de la résidence principale d’un débiteur personne physique en liquidation judiciaire.
Cass. Com., 20 novembre 2024, n°23-19.924
Ce qu'il faut retenir :
Au visa des articles L. 526-1 et L. 622-21 du code de commerce, un créancier titulaire d'une sûreté réelle peut faire procéder à la vente forcée de l'immeuble, cette action échappant à la définition des actions en paiement de somme d'argent pour des causes antérieures.
Pour approfondir :
Par principe, l'entrepreneur personne physique engage la totalité de son patrimoine. Le législateur a cependant mis en place un dispositif d'insaisissabilité protégeant les immeubles des poursuites des créanciers professionnels. C’est l’objet de l’article L. 526-1 du code de commerce.
La loi n°2015-990 du 6 août 2015, dite Loi Macron, a modifié le régime de l'insaisissabilité de la résidence principale qui s’effectue désormais sans déclaration préalable, c’est-à-dire de plein droit. Les autres immeubles non professionnels peuvent également - sur déclaration notariée – être protégés par l’insaisissabilité des créanciers professionnels dont les droits seraient nés après la publication de la déclaration d’insaisissabilité.
Dans un arrêt en date du 20 novembre 2024, la Cour de cassation clarifie les droits d’un créancier non professionnel titulaire d'une sûreté réelle sur la résidence principale d’un débiteur personne physique placé en liquidation judiciaire.
Au bénéfice de cette sûreté, la banque créancière avait procédé à la vente forcée de la résidence principale de son emprunteur.
Pour juger que la vente forcée de l’immeuble ne pouvait être poursuivie jusqu’à la clôture de la liquidation judiciaire de l’entrepreneur personne physique, les juges du fond – tout en concédant que le créancier non professionnel pouvait réaliser son droit sur l’immeuble bénéficiant d’une insaisissabilité légale - ont cependant considéré que l’ouverture de la procédure collective du débiteur faisait obstacle à cette vente au motif qu’elle constituait une action en paiement d’une créance antérieure prohibée par l’article L. 622-21 du code de commerce.
La cassation est prononcée aux termes d’un attendu de principe limpide :
« Le créancier titulaire d’une sûreté réelle, à qui la déclaration d’insaisissabilité d’un immeuble appartenant à un débiteur en liquidation judiciaire est inopposable en application du premier de ces textes, peut faire procéder à sa vente sur saisie, qui n’est pas une action tendant à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent, prohibée par le second de ces textes. »
Portée :
Cette décision est l’occasion de rappeler que le souhait du législateur était la protection de l’entrepreneur personne physique dans ses rapports avec ses créanciers professionnels mais que cette protection ne saurait s’étendre et être opposable aux autres créanciers non professionnels.
Article rédigé par Kristell Quelennec, Clémentine Leroy Bourgeois et David Bernasconi du département Entreprises en difficulté
Extrait de La Lettre du Restructuring de Décembre 2024