Taxe foncière sur les propriétés bâties, cotisation foncière des entreprises et taxes annexes : le Conseil constitutionnel déclare contraire à la Constitution une loi validant les modalités d’application du dispositif de « planchonnement »
Ce qu'il faut retenir :
Par sa décision n° 2025-1174 QPC du 28 novembre 2025 (Société United France 2021 Propco SNC [Validation législative d’impositions établies après application du dispositif de « planchonnement » calculé en fonction de la valeur locative des locaux professionnels révisée au 1er janvier 2017]), le Conseil constitutionnel a déclaré l’inconstitutionnalité de la validation législative opérée par le II de l’article 63 de la loi de finances pour 2025. Sous réserve des réclamations présentées avant le 10 octobre 2024, celle-ci légalisait, pour les années 2023, 2024 et 2025, une pratique administrative qui figeait en 2017 le calcul du « planchonnement ».
Compte-tenu des effets de la déclaration d’inconstitutionnalité, il est conseillé aux contribuables qui ont contesté entre le 10 octobre 2024 et le 28 novembre 2025 les impositions dues au titre des années 2023 et 2024 et qui n’avaient pas encore saisi le juge de l’impôt de déposer de nouvelles réclamations destinées à engager la responsabilité de l’administration (2023) ou à obtenir des décharges d’imposition (2024, en veillant dans ce cas à les déposer avant le 31 décembre 2025). Par ailleurs, il semble que la conformité à la Constitution des impositions dues au titre de l’année 2025 pourra être utilement contestée (jusqu’au 31 décembre 2026).
Pour approfondir :
Le « planchonnement » est l’un des trois mécanismes d’atténuation des conséquences de la révision, opérée en 2017, des valeurs locatives qui servent de base au calcul de la taxe foncière sur les propriétés bâties, de la cotisation foncière des entreprises et des taxes annexes dues à raison des locaux autres que les locaux d’habitation et les locaux industriels. Après qu’un coefficient de neutralisation a été pratiqué, il permet, pour le calcul des valeurs locatives à retenir entre 2017 et 2025, de diviser par deux les augmentations et diminutions des valeurs locatives (CGI, art. 1518 A quinquies, III). Un mécanisme de lissage, en vertu duquel le plancher ou le plafond ne sera atteint qu’en 2026, assure ensuite que l’augmentation ou la diminution annuelle ne dépasse pas 10% du total (CGI, art. 1518 E).
Par deux séries de décisions, le Conseil d’Etat avait jugé que les modalités de calcul retenues en pratique par l’administration étaient inconstitutionnelles (CE, 8e et 3e ch., 13 novembre 2023, n° 474735 et n° 474736, Sté Immobilière Carrefour, et n° 474757, Sté Leroy Merlin) et illégales (CE, 8e ch., 3 avril 2024, n° 474735 et n° 474736, Sté Immobilière Carrefour, et n° 474757, Sté Leroy Merlin). L’article 63 de la loi de finances pour 2025 avait ensuite validé la pratique administrative ainsi censurée par le Conseil d’Etat.
Il ressort d’une jurisprudence bien établie qu’une loi de validation n’est conforme à la Constitution que si cinq conditions sont cumulativement remplies. L’une d’elles tient à ce que la validation doit être justifiée par un motif impérieux d'intérêt général, ce qui est le cas des motifs financiers sous réserve qu'ils soient associés à d'autres motifs : par exemple, la nécessité que la mesure de validation fasse échec à des « effets contraires à l'objectif poursuivi en incitant des contribuables à contester leur imposition à cette taxe avant la publication de la loi », ou le risque de développement d'un contentieux de masse susceptible de perturber l'activité de l'administration fiscale et du juge administratif. En l’espèce, le Conseil constitutionnel a rappelé cette jurisprudence et considéré que les conditions permettant d’invoquer les motifs d’intérêt général qui viennent d’être rappelés n’étaient pas remplies.
Compte-tenu de l’absence de rétroactivité de la décision du Conseil constitutionnel, il est important de signaler que jusqu’au 28 novembre 2025, l’administration était tenue de rejeter les réclamations sur le fondement du II de l’article 63 de la loi de finances pour 2025, pour autant qu’elles aient été présentées après le 10 octobre 2024.
Il s’en suit que les contribuables qui ont saisi l’administration fiscale d’une réclamation dirigée contre une imposition mise à leur charge au titre de l’année 2024, qui ont vu leur réclamation être rejetée, et qui n’ont pas saisi le juge de l’impôt avant le 28 novembre 2025, auraient intérêt à en présenter une nouvelle avant le 31 décembre 2025. Compte-tenu du délai prévu par le Livre des procédures fiscales, aucune nouvelle réclamation ne peut en revanche être présentée contre les impositions dues au titre de l’année 2023 : ceci étant, les contribuables dont les réclamations portant sur l’année 2023 auraient été rejetées entre le 10 octobre 2024 et le 28 novembre 2025 et qui n’auraient pas saisi le juge de l’impôt avant la seconde de ces dates ne sont pas dépourvus de tout recours, dès lors qu’une action en responsabilité peut être engagée.
Pour leur part, les contribuables qui avaient saisi le juge de l’impôt avant cette date sont protégés par les motifs et le dispositif de la décision du 28 novembre 2025. Enfin, les contribuables qui n’ont pas encore adressé de réclamation à l’administration fiscale doivent le faire avant le 31 décembre 2025, sachant qu’elles ne pourront concerner que l’année 2024.
Un article extrait de La Lettre des Affaires Publiques - Décembre 2025
