Survie de l’aval garantissant un nouveau concours à la caducité de l’accord de conciliation
Cass. com., 8 mars 2023, n°21-19.202, Inédit
Ce qu’il faut retenir :
Le créancier, qui a consenti, pour les besoins d’un accord de conciliation, une avance donnant naissance à une nouvelle créance, garantie par un cautionnement ou un aval, est en mesure de demander l’exécution par la caution ou l’avaliste de cet engagement, en dépit de la caducité de l’accord.
Pour approfondir :
Issu de l’ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021, l’article L.611-10-4 du code de commerce, dispose que “la caducité ou la résolution de l’accord amiable ne prive pas d’effets les clauses dont l’objet est d’en organiser les conséquences”.
L’efficacité de cette nouvelle disposition reste à ce jour incertaine, n’ayant nourri encore aucun contentieux.
La décision commentée ici est l’occasion de revenir sur ce nouveau texte, sous l’angle spécifique du sort des nouvelles sûretés en cas de caducité de l’accord de conciliation. La doctrine avisée estime, jusqu’à présent, qu’il n’est pas certain que celles-ci, lorsqu’elles ont pour objet de garantir directement ou indirectement un ancien concours, puissent bénéficier des dispositions de ce nouvel article L. 611-10-4 du code de commerce (F.-X LUCAS, Caducité de l’accord de conciliation, LEDEN déc. 2022, n°DED201e1)
En l’espèce, dans le cadre d’un accord de conciliation homologué, une banque avait consenti à la société débitrice une nouvelle ligne de crédit garanti par un aval.
Par la suite, une liquidation judiciaire succédant à l’ouverture d’un redressement judiciaire, a été ouverte à l’encontre de la société débitrice.
La banque a déclaré sa créance au passif de la procédure puis, a assigné l’avaliste en paiement. La banque ayant obtenu gain de cause en première instance, l’avaliste a alors interjeté appel.
La cour d’appel rejette la demande de la banque considérant qu’elle n’était pas fondée à agir contre l’avaliste dans la mesure où, l’échec de l’accord de conciliation emportant caducité de cet accord dans son intégralité, le créancier ne pouvait se prévaloir du bénéfice des sûretés consenties dans ce seul cadre.
Il s’agit là de la stricte application d’une jurisprudence de la Cour de cassation établie en 2019, et réitérée en 2020 qui avait fait couler beaucoup d’encre. Pour la Haute juridiction, la caducité de l’accord de conciliation du fait de l’ouverture d’une procédure collective emportait anéantissement de l’ensemble des sûretés consenties dans ce cadre, sans distinction (Cass. com., 25 sept. 2019, n°18-15.655 ; Cass. com. 21 oct. 2020, n°17-31.663).
Critiquée en ce qu’elle contrevenait à la raison d’être des garanties et fragilisait l’attractivité des procédures de conciliation, cette jurisprudence a été récemment révisée à l’occasion d’un cautionnement consenti dans le cadre d’un accord de conciliation homologué, la Cour de cassation posant en principe que ce cautionnement survivait – nonobstant la caducité de l’accord – s’il avait été consenti pour garantir un concours nouveau (Cass. com., 26 oct. 2022, n°21-12.085).
Le présent arrêt s’inscrit dans la droite ligne de cette position nouvellement adoptée par la Cour de cassation ; au visa de l’article L. 611-12 du code de commerce, la Haute juridiction confirme que le créancier ne conserve pas le bénéfice des sûretés consenties dans le cadre de l’accord de conciliation en contrepartie de l’octroi de délais de paiement ou d’abandons de créances, mais qu’à l’inverse, les suretés nouvelles consenties pour garantir l’apport de new money, survivent.
La question restera alors de savoir si, par l’effet du nouvel article L. 611-10-4 du code de commerce, cette solution pourrait alors être contractuellement aménagée par les parties au protocole de conciliation pour étendre les effets de la survie des suretés garantissant les concours nouveaux aux suretés garantissant d’anciens concours.
Un article rédigé par Romane Holsynder, du département Entreprises en difficulté et Retournement