Rupture brutale des relations commerciales établies et préavis contractuel

Rupture brutale des relations commerciales établies et préavis contractuel

Cass. com. 28 juin 2023, n° 22-17.933

 

Ce qu’il faut retenir :

Les parties sont libres de prévoir, au sein du contrat qui les lie, des stipulations relatives à la rupture de la relation commerciale concernant, en particulier, la durée du préavis.

En revanche, l’existence d’un préavis contractuel ne dispense pas le juge de vérifier que celui-ci tient compte notamment de la durée de la relation commerciale ayant existé entre les parties.

 

Pour approfondir :

En l’espèce, une agence de communication éditoriale a réalisé, entre 2013 et 2017, des prestations d’édition au profit de trois sociétés d’un groupe spécialisé dans le domaine de la transformation urbaine.

Les conditions générales de vente figurant au verso des devis et factures adressés par l’agence de communication contenaient une clause de résiliation stipulant : « En application de l’article 442-6-5 du code de commerce, le Client ne pourra mettre fin à sa relation commerciale avec la Société sans un préavis d’au moins 6 mois notifié par écrit par courrier recommandé avec accusé de réception. Pendant le préavis, la rétribution de la Société restera due ainsi que les frais techniques (commission incluse) et débours acceptés sur devis et dont l'engagement ne peut être annulé en tout ou partie à la date de résiliation. Si un Client ne souhaite pas être tenu à l'exécution du préavis, il devra indemniser la Société en lui versant à titre de dommages et intérêts une somme représentant au moins six (6) mois de l'ensemble des rémunérations perçues par la Société au cours des douze derniers mois ».

 

Les trois sociétés ont manifesté leur volonté de mettre un terme à leur relation (celles-ci souhaitant confier à un tiers la réalisation des prestations d’édition).

 

Informée du souhait de ces dernières, l’agence de communication a exigé, en réponse, le respect du préavis contractuel.

Soutenant que les trois sociétés avaient rompu les relations contractuelles sans respecter les termes du préavis contractuel, l’agence de communication les a assignées en réparation de ses différents préjudices.

La Cour d’appel de Paris dans un arrêt rendu le 22 avril 2022 (RG n°20/06206) a rejeté les demandes de l’agence de communication aux motifs que la clause litigieuse était illicite car elle contractualisait le délai de préavis prévu par l’article L. 442-6, I-5° du Code de commerce, or « les parties ne peuvent librement disposer par avance dans un contrat de ces dispositions dont l’application est d’ordre public, le préavis et sa sanction [étant] indéterminables ».

 

Par ailleurs, les juges du fond ont considéré que compte tenu de la durée de chacune des relations commerciales, le préavis utile devait être inférieur à celui contractuellement prévu.

Ainsi, considérant la clause de préavis contractuel illicite, la Cour a décidé d’en écarter l’application et a, en conséquence, limité à un faible montant, l’indemnisation de l’agence de communication.

 

C’est dans ce contexte que l’agence de communication a formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris.

Par son arrêt du 28 juin 2023, la Cour de cassation a partiellement cassé et annulé l’arrêt attaqué sauf en ce qu’il a reconnu que les trois sociétés clientes avaient effectivement rompu brutalement leurs relations commerciales avec l’agence de communication.

 

En effet, la Haute juridiction a estimé que les parties sont libres de prévoir, par contrat, le préavis à respecter en cas de rupture de la relation, dans la mesure où celui-ci ne dispense pas le juge de vérifier que ce délai tient compte de la durée de la relation commerciale ayant existé entre les parties et des autres circonstances.

 

De ce fait, les juges du fond sont tenus d’examiner les circonstances dans lesquelles est intervenue la rupture des relations commerciales afin d’apprécier si la durée du préavis doit être égale ou supérieure à celle prévue contractuellement par les parties.

 

Cet arrêt est l’occasion de rappeler que les dispositions de l’article L. 442-6, I, 5°, devenu L. 442-1, II du Code de commerce sont d’ordre public. En conséquence, quand bien même les parties prévoiraient une clause organisant la fin de leur relation et une durée de préavis à respecter, cette clause ne primera pas sur les dispositions susvisées. En d’autres termes, cela signifie que le préavis à respecter devra nécessairement tenir compte de la durée de la relation entre les parties, mais également, d’autres circonstances.

 

A titre d’exemple, pourront être considérées comme autres circonstances, le secteur d’activité, l’évolution du chiffre d’affaires ou encore l’existence d’un état de dépendance économique.

Enfin, que les parties aient ou non convenu de l’application d’un préavis contractuel en cas de résiliation du contrat par l’une ou l’autre des parties, rappelons que la responsabilité de l’auteur de la rupture ne pourra être engagée du chef d’une durée insuffisante dès lors que ce dernier a respecté un préavis de dix-huit mois.

Cette décision a été rendue dans la lignée de la jurisprudence antérieure à ce sujet.

 

A rapprocher :

 

Un article rédigé par Claire Sicard du département Distribution, Concurrence, Consommation