Revirement : droit à indemnisation de l’agent commercial en cas de faute grave découverte postérieurement à la cessation du contrat
Cass. com. 16 novembre 2022, n° 21-17.423.
Ce qu’il faut retenir :
Les dispositions relatives à la notion d’avantage sans contrepartie, ou manifestement disproportionné au regard de la valeur de la contrepartie consentie, sont jugées conformes à la Constitution.
Pour approfondir :
En l’espèce, un contrat d’agence commerciale a été conclu dans le cadre de l’optimisation de la mise en place de produits dans des rayons.
Le mandant a rompu le contrat d’agent commercial.
L’agent a assigné le mandant en paiement des indemnités de rupture et de préavis.
L’agent fait grief à l’arrêt d’appel de rejeter ses demandes d’indemnité de rupture et de préavis.
La Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt rendu par la Cour d’appel en ce qu’il rejette les demandes formées par l’agent commercial en paiement de l’indemnité compensatrice rupture.
Pour rappel, en application de l’article L. 134-12 du Code de commerce, en cas de cessation des relations avec le mandant, l’agent commercial a le droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.
La réparation prévue à cet article n’est pas due notamment lorsque la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l’agent commercial (article L.134-13, 1° du Code de commerce).
Traditionnellement, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation retenait que les manquements graves commis par l’agent commercial pendant l’exécution du contrat, y compris ceux découverts par son mandant postérieurement à la rupture des relations contractuelles, étaient de nature à priver l’agent commercial de son droit à indemnité (Cass. com., 1er juin 2010, n°09-14.115, Cass. com., 24 novembre 2015, n° 14-17.747, Cass. com., 19 juin 2019, n°18-11.727).
Cette solution était contraire à la jurisprudence de la CJUE qui a considéré dans un arrêt célèbre du 28 octobre 2010 « Volvo Car Germany GmbH », aff. C-203/09, que l’agent commercial ne peut pas être privé de son droit à indemnité lorsque le mandant établit, après lui avoir notifié la résiliation du contrat moyennant préavis, l’existence d’un manquement de cet agent qui était de nature à justifier une résiliation sans délai de ce contrat.
Par le présent arrêt du 16 novembre 2022, la Cour de cassation a précisé qu’il apparaissait nécessaire de modifier la jurisprudence de cette chambre et de retenir désormais que « l’agent commercial qui a commis un manquement grave, antérieurement à la rupture du contrat, dont il n’a pas été fait état dans la lettre de résiliation et a été découvert postérieurement à celle-ci par le mandant, de sorte qu’il n’a pas provoqué la rupture, ne peut être privé de son droit à indemnité ».
Ella a ainsi rejoint la position de la Cour de justice dans son arrêt du 28 octobre 2010 visé ci-avant. Cet alignement permet à la Cour de cassation de se conformer à la jurisprudence européenne et surtout de renforcer la protection de l’agent commercial.
Les conséquences pratiques de cette décision sont les suivantes :
- primo, le mandant devra s’assurer de la gravité de la faute de l’agent commercial ;
- secundo, le mandant devra attacher une attention toute particulière à la motivation de sa lettre de résiliation. Il devra ainsi faire référence expressément au manquement grave que l’agent commercial aura commis pendant l’exécution du contrat d’agence.
La lettre de résiliation aura donc pour effet de de fixer le cadre du litige.
La faute grave, même dénoncée tardivement, ne semble pas toutefois privée de toute effet. Elle pourrait en effet avoir un impact sur le montant de l’indemnité de l’agent.
L’arrêt de la CJUE du 28 octobre 2010 l’avait déjà souligné : l’agent a droit à une indemnité si son paiement apparaît équitable. Selon la Cour de justice, la faute grave permettrait de « réduire le montant de l’indemnité ou même de priver l’agent de l’indemnité dans sa totalité ».
Le seul cas où la faute grave de l’agent commercial n’aurait aucun impact est l’hypothèse dans laquelle le mandant aurait toléré les manquements (Cass. com. 7 avril 2009, n°08/12.832). Cela reviendrait à exclure la qualification de faute grave.
À rapprocher :
Décision n° 2018-749 QPC du 30 novembre 2018
Un article rédigé par Claire Saadoun du département Concurrence, Distribution, Consommation