Résolution du contrat aux torts partagés : Quelles implications sur les restitutions et l’octroi de dommages et intérêts entre les parties ?

Résolution du contrat aux torts partagés : Quelles implications sur les restitutions et l’octroi de dommages et intérêts entre les parties ?

Cass. com., 15 mai 2024 – n° de pourvoi 23-13.990, publié au bulletin

 

Ce qu’il faut retenir :

La Cour de cassation précise que le prononcé de la résolution d’un contrat aux torts partagés des parties ne fait pas obstacle aux restitutions ainsi qu’à l’octroi d’éventuels dommages et intérêts.

 

Pour approfondir :

En l’espèce, une société spécialisée dans le secteur de la comptabilité conclut un contrat le 5 décembre 2018 avec une société spécialisée dans le développement d’applications digitales. Ce contrat prévoit la mise à disposition au profit de la société de comptabilité d’une plateforme technologique et de prestations informatiques associées destinée à faire bénéficier ses salariés d’un comité d’entreprise externalisé.

 

Au regard de la date de conclusion dudit contrat, notons que ce dernier est régi par toutes les dispositions issues de la réforme du droit des contrats (Ord. n° 2016-131 du 10 fév. 2016 et Loi n° 2018-287 du 20 avr. 2018).

Le 31 août 2020, après plusieurs reports de la date de mise en service de la plateforme, la société de comptabilité a notifié la résolution du contrat à la société prestataire, et a sollicité la restitution des sommes qu’elle avait versées en exécution du contrat.

C’est dans ce contexte que la société prestataire a assigné la société de comptabilité aux fins de la voir, à titre principal, condamner à exécuter le contrat. En parallèle, la société de comptabilité a assigné la société prestataire aux fins de voir constater la résolution du contrat. Les deux instances ont été jointes.

 

La Cour d’appel de Versailles (dans un arrêt rendu le 26 janvier 2023 n° 21/03804) a prononcé la résolution du contrat aux torts partagés sans qu’il y ait lieu à restitution et à indemnisation des parties.

Plus précisément, la Cour d’appel de Versailles a justifié sa décision par le constat de manquements contractuels de chacune des parties : la société de comptabilité n’ayant pas fourni une interface informatique requise et la société prestataire n’ayant pas respecté les plannings successifs de livraison de la plateforme.

C’est dans ce contexte qu’un pourvoi en cassation a été formé contre l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Versailles pour violation de la loi et défaut de base légale.

 

Tout d’abord, la société de comptabilité considère que la Cour d’appel a violé les dispositions de l’article 1229 du Code civil dès lors qu’elle s’est fondée sur la circonstance que la résolution du contrat devait être prononcée aux torts partagés pour exclure toute restitution entre les parties.

 

Pour mémoire, l’article 1229 du Code civil distingue deux hypothèses quant aux restitutions :

  • - lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l'exécution complète du contrat résolu, les parties doivent restituer l'intégralité de ce qu'elles se sont procuré l'une à l'autre ; et
  • - lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l'exécution réciproque du contrat, il n'y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n'ayant pas reçu sa contrepartie.

 

En revanche, il est important de relever que cet article ne fait aucune référence quant à une quelconque conséquence des torts de chacune des parties sur les restitutions.

 

Par ailleurs, la société de comptabilité reproche à la Cour d’appel de Versailles de s’être également fondée sur le fait que la résolution du contrat devait être prononcée aux torts partagés pour exclure toute indemnisation au titre de la responsabilité contractuelle de l’article 1231-1 du Code civil.

Par son arrêt en date du 15 mai 2024, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Versailles sauf en ce qu’il prononce la résolution du contrat aux torts partagés des deux sociétés.

 

Concernant la question des restitutions : la Cour de cassation précise que le prononcé de la résolution du contrat aux torts partagés ne fait pas obstacle aux restitutions entre les parties.

Concernant la question de l’octroi de dommages et intérêts : la Cour de cassation considère que la Cour d’appel aurait dû rechercher la part de responsabilité incombant à chacune des parties dans la résolution du contrat eu égard à la gravité des fautes retenues ; et prendre en compte le préjudice subi par chacune des parties.

En effet, il est raisonnable de relever que, si le contrat est résolu aux torts partagés des parties ; il n’en demeure pas moins que le partage de responsabilité ainsi que les préjudices éventuellement subis par chacune des parties peuvent être inégaux.

 

En synthèse, le prononcé de la résolution d’un contrat aux torts partagés des parties n’a pas pour conséquence d’exclure les restitutions et les dommages et intérêts éventuellement dus entre les parties.

 

A rapprocher : Cass. com., 18 janvier 2023, n° 21-16.812

 

Un article rédigé par Estelle Philippon du département Concurrence, Distribution, Consommation