Résidence principale : l’indemnité de réparation hors d’atteinte des créanciers

Résidence principale : l’indemnité de réparation hors d’atteinte des créanciers

Cass. com du 30 avril 2025, n°214-10.680

 

Ce qu'il faut retenir :

L’insaisissabilité légale de la résidence principale de l’entrepreneur individuel prévue à l’article L.526-1 du Code de commerce s’étend à l’indemnité destinée à en assurer la réparation.

Quant aux conflits de juridictions ils sont régis par le Règlement (UE) n°2015/2012 (dit Règlement Bruxelles I bis).

 

Pour approfondir :

Trois mois après le prononcé de l’ouverture de sa liquidation judiciaire, un entrepreneur individuel se voit allouer une indemnité en réparation de malfaçons affectant les travaux de réfection de la toiture de sa résidence principale. Bien que cette dernière bénéficie de l’insaisissabilité de plein droit en vertu de l’article L. 526-1 du Code de commerce, le liquidateur a néanmoins procédé à la récupération de cette somme au bénéfice de la procédure collective.

Le couple a alors assigné le liquidateur en restitution des fonds, faisant valoir deux moyens principaux :

  • D’une part, la protection légale de leur résidence principale, en tant que bien insaisissable de plein droit en application de l’article L. 526-1 du Code de commerce ;
  • D’autre part, le caractère également insaisissable de l’indemnité litigieuse, dès lors qu’elle est exclusivement destinée à financer les travaux de remise en état de cette résidence protégée.

 

Les demandeurs soutenaient que l’indemnité allouée visait à assurer la conservation d’un bien protégé par l’insaisissabilité légale, et devait, à ce titre, être exclue du gage commun des créanciers professionnels. En effet, selon eux, la finalité de la réparation – à savoir le maintien en bon état d’usage de la résidence principale – justifiait que l’indemnité suive le même régime juridique que le bien auquel elle se rattache.

Toutefois, les juges d’appel rejettent ce moyen considérant que l’indemnité perçue n’est pas couverte par la protection prévue par ledit article, et qu’elle doit dès lors être intégrée à l’actif de la liquidation judiciaire, au profit de la masse des créanciers.

Sans surprise, la Cour de cassation casse et annule l'arrêt d'appel sur le fondement des articles L. 526-1 et L. 641-9 du Code de commerce.

Pour rappel, depuis la loi du 6 août 2015 n° 2015-990, l’article L.526-1 du Code de commerce pose le principe de l’insaisissabilité de plein droit de la résidence principale de l’entrepreneur individuel, selon lequel il n’est pas possible pour un créancier, titulaire d’une créance professionnelle, de saisir ce bien pour se faire payer.

La jurisprudence réaffirme régulièrement les contours du régime d’insaisissabilité de la résidence principale :

  • L’insaisissabilité légale demeure opposable aux créanciers professionnels, y compris après la cessation d’activité de l’entrepreneur individuel ( com., 11 sept. 2024, n° 22-13.482).
  • En revanche, lorsqu’un créancier ne peut se voir opposer cette insaisissabilité de plein droit, il conserve la faculté d’exercer son droit de poursuite sur l’immeuble, même après la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif ( com., 13 déc. 2023, n° 22-19.749).
  • Par ailleurs, si l’entrepreneur individuel est contraint, dans le cadre d’une procédure de divorce, de quitter le domicile familial sur décision du juge, ce logement perd alors son caractère de résidence principale et redevient saisissable par les créanciers professionnels (Cass. com., 18 mai 2022, n° 20-22.768).

Dans l’arrêt commenté, la Cour de cassation  affirme avec clarté que la protection d’insaisissabilité s’étend non seulement à la résidence principale de l’entrepreneur individuel, mais également à l’indemnité destinée à en assurer la réparation. La Haute juridiction en déduit que, dès lors que le bien immobilier est insaisissable, il échappe au gage commun des créanciers, de sorte que le liquidateur, qui n’acquiert aucun pouvoir de gestion ou de disposition sur ce bien du seul fait du jugement d’ouverture, est dépourvu de qualité pour agir en réparation des désordres l’affectant. Le débiteur reste « libre exercice de ses droits et actions sur l'immeuble lui servant de résidence principale ».

 

A rapprocher :

Un article rédigé par Kristell Quelennec et Clémentine Leroy-Bourgeois du département Entreprises en Difficulté et Retournement.