Réduction du montant de l'astreinte en cas de constatation tardive de manquements de l'ex-franchisé
CA Lyon, 27 mars 2025, n°21/04644
Ce qu'il faut retenir :
Un franchiseur ne peut obtenir l'intégralité d’une astreinte conventionnelle s’il tarde à faire constater les manquements post-contractuels de son ex-franchisé.
Le montant de l’astreinte conventionnelle sera calculé à compter de la mise en demeure jusqu’à la cessation effective des manquements et non à compter de la fin du contrat de franchise.
Pour approfondir :
En 2012, une société de distribution de produits d’alimentation naturelle et biologique, à la tête d’un réseau de 250 franchisés, conclut un contrat de franchise d’une durée de cinq ans avec une autre société.
Le franchiseur résilie son contrat avec effet au 31 décembre 2015, en rappelant au franchisé son obligation de retirer tout logo, enseigne et signes d’appartenance au réseau.
Le contrat stipulait que ce retrait devait intervenir immédiatement, et au plus tard dans un délai de huit jours, sous peine d’une astreinte de 300 euros par jour de retard. Cela concernait notamment l’enseigne, le site internet et les annuaires, comme les Pages Jaunes.
En 2019, soit plus de trois ans après la fin du contrat de franchise, le franchiseur fait constater par un Commissaire de justice le maintien de l’enseigne et le référencement de la marque dans les annuaires. Il adresse alors une facture de 367.200 euros à son ex-franchisé, correspondant au nombre de jours d’astreinte depuis la fin du contrat.
Ce dernier refuse de payer.
En première instance, les juges condamnent la société franchisée à payer à son ancien franchiseur la somme de 41.400 euros au titre de l’astreinte mais le déboutent de ses autres demandes.
L’ex-franchisé, qui estime être victime d’un abus de droit, fait appel de sa condamnation sur les trois fondements suivants, dont le dernier retient particulièrement notre attention.
1 - L’irrecevabilité de l’action sur le fondement de l’article L.341-2 du Code de commerce
L’ex-franchisé soutien que l’action du franchiseur est irrecevable au titre de l’article L.341-2 du Code de commerce, relatif à la clause de non-concurrence post contractuelle dans les contrats de franchise.
La Cour d’appel rejette cette demande.
Tout d’abord, l’article L.341-2 du Code de commerce est entré en vigueur après la signature du contrat de franchise en 2012 et la loi du 6 août 2015 ne prévoit aucune rétroactivité.
Ensuite, le délai d’un an mentionné dans cet article concerne la durée d’application de la clause de non-concurrence post-contractuelle, non un délai d’action.
Enfin, l’article L.341-2 du Code de commerce vise les clauses limitant la liberté d’exercice de l’activité commerciale après la fin du contrat. Or l’article 12 du contrat de franchise imposait simplement le retrait des signes d’appartenances au réseau, sans empêcher l’ex-franchisé d’exercer une activité commerciale.
2 - L’irrecevabilité de la demande de paiement de l’astreinte sur le fondement du Code de déontologie européen de la franchise
L’ex-franchisé soutient que la demande en paiement de l’astreinte est irrecevable au regard des dispositions du Code de déontologie européen de la franchise.
Ce code prévoit notamment que le franchiseur doit notifier par écrit au franchisé toute violation du contrat et lui accorder un délai pour y remédier mais également que les parties doivent résoudre leurs litiges de bonne foi.
La Cour d’appel rejette également cette demande.
En effet, le Code de déontologie européen de la franchise ne prévoit aucune sanction juridique en cas de non-respect de ses recommandations.
Par ailleurs, l’article 12 du contrat de franchise prévoyait expressément les obligations de retrait immédiat, et au plus tard dans les huit jours suivant la cessation du contrat, des signes distinctifs du réseau. Or l’ex-franchisé n’a pas respecté ces obligations.
3 - La tardiveté de la constatation des manquements post-contractuels
L’ex-franchisé invoque la tardiveté avec laquelle son franchiseur s’est assuré du respect de son obligation de retirer tout logo, enseigne et signes d’appartenance au réseau.
Cet argument est particulièrement intéressant et a été retenu par la Cour, qui s’est fondée sur l’obligation légale de bonne foi contractuelle (article 1134 du Code civil dans sa version antérieure).
La Cour considère que le franchiseur était parfaitement en mesure de constater les manquements de son ex-franchisé, et ce à tout moment et depuis son siège social.
Pour autant, le franchiseur n’a agi qu’en 2019, soit plus de trois ans après la résiliation du contrat de franchise.
Dans ces circonstances, la Cour fait partiellement droit à la demande de paiement de l’astreinte dont le montant est calculé à compter de la mise en demeure jusqu’à la cessation effective des manquements et non à la date de fin du contrat de franchise. Ainsi, le montant dû est réduit à 34.500 euros au lieu des 367.200 euros initialement réclamés.
La Cour refuse d’écarter l’intégralité de l’astreinte sur le fondement de l’adage nemo auditur propriam turpitudinem allegans, à savoir que nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude car l’ex-franchisé n’avait pas respecté ses obligations post-contractuelles.
En conclusion, et sur ce dernier point, l’astreinte conventionnelle n’exonère pas le franchiseur de son obligation de vigilance à la sortie du réseau d’un ex-franchisé. Un suivi actif est indispensable pour garantir l’application effective des clauses contractuelles et préserver l’intégrité du réseau.
La sécurisation du réseau ne s’arrête pas à la fin du contrat : une inaction prolongée peut entraîner la réduction, voire la remise en cause, des sanctions prévues.
À rapprocher :
Un article rédigé par Anne QIN du département Concurrence, Distribution, Consommation