Rappel du principe selon lequel les circonstances postérieures à la rupture du contrat de l’agent commercial ne doivent pas être prises en compte dans l’évaluation de son préjudice et dans le calcul de l’indemnité réparatrice de l’article L. 134-2 du Code de commerce.
Cass.Com, 29 janvier 2025, n° 23-21.527
Ce qu'il faut retenir :
La Cour de cassation réaffirme que l’évaluation du préjudice subi par l’agent commercial pour le calcul de l’indemnité qui lui est due, conformément à l’article L. 134-12 du Code de commerce, ne doit pas tenir compte des circonstances postérieures à la cessation du contrat et, notamment, du fait que l’agent ait conclu un nouveau contrat en vue de prospecter la même clientèle pour un autre mandant.
Pour approfondir :
Une société titulaire de la carte professionnelle « transactions sur immeubles et fonds de commerce » avait confié à une personne un mandat de représentation en qualité d’agent commercial en avril 2015. Ce contrat a été résilié le 4 décembre 2020 par la société et l’agent commercial avait sollicité la réparation du préjudice qu’il avait subi du fait de cette rupture devant le Tribunal de commerce de Saint-Pierre de la Réunion à hauteur de 159.640 euros. Le Tribunal avait fait droit à la demande de l’agent commercial mais avait limité cette indemnisation à 10.000 euros, aux motifs que le contrat ne contenait aucune clause de non-concurrencent, que l’agent commercial avait retrouvé un emploi dans la même branche quasiment immédiatement et qu’il ne produisait aucun élément sur les commissions qu’il avait perçues depuis la rupture du contrat. Cette décision a été confirmée en appel par la Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion.
L’article L. 134-12 du code de commerce ne contient aucune indication sur le mode de calcul de l’indemnité de rupture destinée à compenser le préjudice subi par l’agent, à savoir la perte subie en raison de la privation des commissions qu’il aurait dû percevoir si son activité s'était développée avec la clientèle qu'il a démarchée dans le cadre de son mandat.
Dans la pratique, cette indemnité correspond à deux années de commissions brutes perçues par l'agent. Cet argument avait été développé par l’agent commercial dans le cadre de l’arrêt commenté, qui requérait ainsi une indemnité égale à la somme de ses commissions perçues en 2019 et 2020.
Les juges de première instance et d’appel ont pourtant refusé d’appliquer cette méthode et ont limité l’évaluation du préjudice de l’agent à la somme de 10.000 euros, estimant que cette somme correspondait à la « réalité du préjudice subi par l’agent », ce dernier ayant retrouvé un emploi dans la même branche presqu’immédiatement.
Une telle position était contraire à celle de la Cour de cassation qui rappelle, depuis de nombreuses années, que « l’indemnité prévue à l’article L. 134-12 du Code de commerce ayant pour objet la réparation du préjudice qui résulte, pour l’agent commercial, de la perte pour l’avenir des revenus tirés de l’exploitation de la clientèle commune, il n’y a pas lieu d’en déduire les commissions perçues par l’agent postérieurement à la cessation du contrat au titre de la prospection de tout ou partie de cette même clientèle pour un autre mandant » (Cass. com., 16 nov. 2022, n° 21-10.126).
Fort logiquement, cette dernière a donc cassé l’arrêt d’appel, retenant que le préjudice réparé au titre de l’indemnité prévue à l’article L. 134-12 du Code de commerce était « constitué par la perte pour l’avenir des revenus tirés de l’exploitation de la clientèle commune » et qu’en conséquence « Il n’y a donc pas lieu, aux fins d’évaluer ce préjudice, de tenir compte des circonstances postérieures à la cessation du contrat telles que la conclusion par l’agent d’un nouveau contrat en vue de prospecter la même clientèle pour un autre mandant ».
La solution est donc classique mais l’arrêt a le mérite d’affirmer que le principe de l’absence de prise en compte des rémunérations postérieures de l’agent doit s’appliquer même lorsque l’agent reprend immédiatement son activité dans le même domaine que celui couvert par son ancien mandat et alors qu’il n’était tenu par aucune clause de non-concurrence post-contractuelle.
À rapprocher : Cass. com. 16 novembre 2022, n°21-17.423 ; Cass. com., 16 nov. 2022, n° 21-10.126.
Un article rédigé par Clémence Berne du département Concurrence, Distribution, Consommation