Rappel de la règle de libre révocation du mandat par la Cour de cassation

Rappel de la règle de libre révocation du mandat par la Cour de cassation

Cass. com., 4 octobre 2023, n°22-15.781

 

Ce qu’il faut retenir :

Par un arrêt rendu le 4 octobre 2023, la chambre commerciale de la Cour de cassation s’est prononcée sur les règles encadrant la révocation du contrat de mandat.

Elle rappelle le principe de la révocation ad nutum du mandat en énonçant qu’en application de l’article 2004 du Code civil, un mandat peut être révoqué à tout moment par le mandant, sans que des motifs aient à être précisés.

 

Pour approfondir :

L'arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation s’intéresse au contrat de mandat, et plus particulièrement au régime encadrant sa révocation.

En l’espèce, un syndicat a confié à une société la communication et la publicité d’un évènement qu’il organisait deux fois par an.

Après trente-quatre ans de relation, le syndicat a révoqué le mandat le liant à cette société. Cette dernière a assigné le syndicat en réparation du préjudice qu’elle estimait avoir subi du fait de cette révocation.

La Cour d’appel de Paris a accueilli favorablement cette demande dans un arrêt du 28 janvier 2022.

Elle énonce d’abord que « la résiliation unilatérale d'un contrat à durée indéterminée peut être effectuée sans motif, pourvu qu'un délai de préavis raisonnable soit respecté ».

Puis, elle considère que la rupture à l’initiative du syndicat était brutale puisqu’elle avait été effectuée sans préavis. Elle a donc condamné le syndicat à payer la somme de 150.000 euros à la société, à titre de dommages-intérêts.

Le raisonnement de la Cour d’appel, faisant fi du principe de la révocation ad nutum du contrat de mandat prévu par le Code civil, se fondait sur les règles régissant la résiliation unilatérale d’un contrat à durée indéterminée exigeant le respect d’un délai de préavis.

Dans son pourvoi, le syndicat soutenait que le contrat de mandat pouvait prévoir qu’il soit mis fin au contrat sans préavis en cas de méconnaissance de ses clauses.

En l’occurrence, le syndicat affirmait que la clause d’exclusivité prévue dans le contrat de mandat n’avait pas été respectée par la société, et qu’il pouvait dès lors révoquer le mandat sans préavis.

La Cour de cassation, rejetant le raisonnement adopté par la Cour d’appel, énonce au seul visa de l’article 2004 du Code civil qu’« un mandat peut être révoqué par le mandant à tout moment et sans que des motifs aient à être précisés, l’abus dans l’exercice de ce droit de révocation ne pouvant être retenu que si celui qui l’allègue prouve l’intention de nuire de son auteur ou sa légèreté blâmable ».

L’arrêt commenté, au visa unique de l’article 2004 du Code civil, applique le régime spécifique prévu à cet article pour apprécier la licéité de la révocation du contrat de mandat par le syndicat.

Le mandant peut donc révoquer le mandat quand bon lui semble, c’est-à-dire sans avoir à respecter un délai de préavis, et ce malgré les règles de droit commun régissant la rupture du contrat à durée indéterminée imposant le respect d’un préavis d’une durée contractuellement prévue ou, à défaut, d’une durée raisonnable.

Le mandant n’est pas non plus tenu de justifier sa décision ni de démontrer l’existence d’une faute de son mandataire.

L’arrêt de la Cour de cassation rappelle donc qu’en présence d’une disposition spéciale applicable à la révocation du mandat, c’est cette règle qu’il convient d’appliquer.

La Cour de cassation s’en tient donc à la lettre de l’article 2004 du Code civil sans exiger le respect d’un préavis ou la fourniture d’une quelconque justification par le mandant, et ce malgré :

  • la durée significative de la relation contractuelle entre les parties (trente-quatre ans) ;
  • la clause contractuelle permettant au mandant de révoquer le mandat sans préavis, mais en justifiant d’un motif, en l’occurrence la méconnaissance par le mandataire d’une clause contractuelle.

 

L’existence d’un régime spécial de révocation applicable au mandat n’est pas étonnante et s’explique notamment par la confiance accordée par le mandant à son mandataire.

Cette confiance implique que les intérêts du mandant doivent être protégés, notamment dans l’hypothèse où la confiance portée en son mandataire venait à disparaître.

Pourtant, cet arrêt semble aller à contre-sens de la tendance actuelle du droit des contrats, telle que consacrée à l’article 1211 du Code civil pour les contrats à durée indéterminée, exigeant de plus en plus le respect d’un préavis raisonnable pour mettre fin à une relation contractuelle.

 

A rapprocher : Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 11, 28 janvier 2022, n° 20/00312

 

Un article rédigé par Auriane Sepval du département Distribution, Concurrence, Consommation