Rappel de la Cour de cassation sur les conditions d'invocabilité de l'article 145 du Code de Procédure Civile
Civ. 3e, 13 février. 2025, n° 22-22.393
Ce qu’il faut retenir :
L'article 145 du Code de procédure civile permet de solliciter une expertise préventive en référé sans que le demandeur ait à prouver le bien-fondé de l'action pour laquelle la mesure d'instruction est demandée.
Dès lors, il suffit que le demandeur démontre l’existence d’un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige.
Pour approfondir :
En l’espèce, par un arrêté du 22 décembre 2017, un permis de construire un ensemble immobilier, valant autorisation d'exploitation commerciale, a été délivré à une société.
Soutenant que les premiers travaux avaient provoqué des atteintes à l'environnement, plusieurs associations environnementales ont assigné la société bénéficiaire du permis de construire en référé-expertise, sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile selon lequel :
« S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. »
Le 24 août 2022, la Cour d'appel de Lyon a rejeté la demande d'expertise des associations, estimant que ces dernières ne justifiaient pas d'éléments scientifiques ou techniques objectifs permettant d’établir un lien de causalité suffisant entre les atteintes environnementales alléguées et les travaux effectués.
Par cet arrêt, la Cour de cassation censure les juges du fond et casse et annule l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Lyon, en rappelant que « l'article 145 du code de procédure civile n'exige pas que le demandeur établisse le bien-fondé de l'action en vue de laquelle la mesure d'instruction est sollicitée ».
Dès lors, il appartient uniquement au juge du fond de caractériser l’existence d’un motif légitime.
Or, en rejetant la demande formulée par les associations au motif qu’aucun lien de causalité n’était établi entre les faits allégués et leurs supposés préjudices, les juges du fond ont ajouté à l’article 145 précité une condition non prévue par la loi.
En d’autres termes, la Cour de cassation rappelle qu’un référé préventif doit être ordonné dès lors que le demandeur démontre (i) un motif légitime d’établir ou de conserver la preuve de fait (ii) dont pourrait dépendre la solution du litige, ce qui ne suppose pas la démonstration du bien-fondé de l’action en vue de laquelle l’expertise est sollicitée.
Cette solution confirme la position antérieure de la Haute juridiction (Cass. 2e civ., 4 nov. 2021, n° 21-14.023).
À rapprocher : Article 145 du Code de procédure civile
Un article rédigé par Marine Buirette du département Contentieux & Arbitrage