Précisions sur la qualification d’un contrat conclu à distance et son articulation avec le droit commun
Cass. com., 5 nov. 2025, n°23-22.883
Ce qu'il faut retenir :
La Cour de cassation rappelle que la remise physique du contrat signé dans les locaux du professionnel n'exclut pas la qualification de contrat à distance au sens de l'article L.221-1 du Code de la consommation.
Le droit de rétractation du consommateur demeure pleinement applicable dès lors que les conditions légales sont respectées.
L'article 1121 du Code civil n'affecte pas cette qualification et ne sert qu'à déterminer, à défaut de stipulation contraire, le point de départ du délai de rétractation prévu à l'article L.221-18 du Code de la consommation.
Pour approfondir :
Le 14 septembre 2020, à l’issue d’un échange téléphonique, une société proposant des formations de préparation aux concours de médecine adresse à un particulier, par courriel, une brochure de présentation ainsi qu’un dossier d’inscription.
Le 15 septembre, le particulier signe le contrat à son domicile et procède au règlement des frais d’inscription, puis dépose le dossier d’inscription dans les locaux de la société le 16 septembre.
Le 22 septembre, ce dernier se rétracte par courrier recommandé au moyen du formulaire figurant dans le dossier d’inscription.
La société refuse néanmoins tout remboursement, estimant que le droit de rétractation ne s’applique pas puisque le contrat n’aurait pas été conclu à distance.
Le particulier assigne alors la société afin d’obtenir le remboursement des sommes qu’il a versées.
Les juges du fond (Tribunal judiciaire d’Albi, 4 janvier 2021, n°20/01421 et Cour d’appel de Toulouse, 25 septembre 2023, n°21/00717) ont condamné la société à restituer les sommes versées par le particulier, considérant que le contrat est conclu à distance et que le droit de rétractation a été valablement exercé.
C’est dans ce contexte que la société a formé un pourvoi en cassation, soutenant que la remise du contrat signé par le particulier dans ses locaux exclut la qualification de contrat à distance, et ce au regard des articles 1113 et 1121 du Code civil.
La Cour de cassation, de nouveau saisie de la question de la qualification d’un contrat à distance, rejette le pourvoi et confirme l’arrêt rendu par la Cour d’appel.
Elle rappelle, tout d’abord, que l’article L.221-1 du Code de la consommation (issu de la transposition de la directive 2011/83/UE relative aux droits des consommateurs) définit la notion de « contrat à distance » comme tout contrat :
- conclu entre un professionnel et un consommateur,
- dans le cadre d'un système organisé de vente ou de prestation de services à distance,
- sans la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur,
- par le recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à distance jusqu'à la conclusion du contrat.
À ce titre, la Cour de cassation observe, premièrement, que la société a mis en place un système organisé de prestation de services à distance, dès lors que la brochure de présentation indiquait que la formation pouvait être suivie exclusivement à distance et, que le dossier d’inscription précisait que le formulaire de rétractation joint pouvait être adressé directement à la société.
Deuxièmement, la Cour relève que le consentement des parties a été exprimé par un moyen de communication à distance, c’est-à-dire sans leur présence physique simultanée. En effet, les conditions générales du dossier d’inscription prévoyaient que l’inscription était validée dès la constitution complète du dossier, sans qu’un droit d’agrément du candidat soit nécessaire, de sorte que l’acceptation pure et simple de l’offre entraîne la formation du contrat et déclenche le point de départ du délai de rétractation.
Troisièmement, elle constate que le particulier a valablement exercé son droit de rétractation conformément aux conditions générales figurant dans le dossier d’inscription.
Par conséquent, la Cour retient que, dans le cadre d’un système organisé de vente ou de prestation de services à distance, les conditions matérielles de remise au professionnel de l’offre, qui a été reçue et signée par le consommateur en dehors des locaux de ce professionnel, sans aucune négociation au moment de cette remise, sont sans influence sur la qualification de contrat à distance.
Elle ajoute que l’article 1121 du Code civil, selon lequel le contrat est conclu dès que l’acceptation parvient à l’offrant et réputé l’être au lieu où l’acceptation est parvenue, est indifférent à la qualification d’un contrat à distance et permet seulement, à défaut de stipulation contraire, de fixer le point de départ du délai de rétractation prévu à l’article L.221-18 du Code de la consommation.
À rapprocher :
Un article rédigé par Estelle PHILIPPON du département Distribution, Concurrence, Consommation
