Précision sur la prohibition des prétentions nouvelles en cause d’appel
Cass. civ. 1ere, 07 septembre 2022, n°21-16.646
Ce qu’il faut retenir :
Ne sont pas considérées comme des prétentions nouvelles, les prétentions d’une partie qui tendent aux mêmes fins que celles antérieurement invoquées et ce, peu important que le fondement juridique soulevé à leur appui soit différent. Tel sera le cas lorsqu’est formulée une demande en annulation d’une stipulation d’intérêts avec substitution du taux légal devant les premiers juges, lorsque cette demande se transforme en une demande de déchéance du droit aux intérêts devant la cour d’appel.
Pour approfondir :
L’article 564 du Code de procédure civile dispose que les parties n’ont pas la possibilité de soumettre à la cour d’appel de nouvelles prétentions, ceci à peine d’irrecevabilité. L’article prévoit néanmoins des exceptions relatives au fait pour une partie d’opposer compensation, de faire écarter les prétentions de l’autre partie, ou encore de faire juger toute question qui découlerait de l’intervention d’un tiers ou de la révélation d’un fait.
En l’espèce, une banque a consenti à une société un prêt immobilier.
Estimant que le taux effectif global était irrégulier, la société bénéficiaire dudit prêt a assigné la banque en nullité de la stipulation d’intérêts et en substitution du taux d’intérêt légal au taux conventionnel.
Devant la Cour d’appel, la société bénéficiaire a, par suite, formé une demande de déchéance du droit aux intérêts de la banque en appel ; demande qui a été jugée recevable par les juges d’appel.
Au soutien de son pourvoi incident, la banque faisait grief à la Cour d’appel d’avoir méconnu les dispositions de l’article 564 du Code de procédure civile relatif à l’interdiction des prétentions nouvelles en cause d’appel, ainsi qu’aux articles 565 et 566 de ce même code.
La Cour de cassation casse et annule l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Dijon, tout en rejetant le pourvoi incident formé par la banque.
Concernant le rejet du pourvoi relatif à la méconnaissance des articles du Code de procédure civile – lequel nous intéresse seul en l’espèce – la Cour de cassation relève que les prétentions soulevées en appel par une partie ne sont pas nouvelles si celles-ci poursuivent le même but que les demandes invoquées par cette même partie devant les juges de première instance, peu importe si le fondement juridique n’est pas le même. Il s’agit d’une reprise de l’article 565 du Code de procédure civile.
La Cour approuve ainsi la décision rendue en appel sur ce point procédural et uniquement sur ce dernier.
En effet, les demandes soulevées en appel par la société emprunteuse ne sont pas qualifiées de nouvelles puisqu’elles poursuivent le même but que les prétentions invoquées initialement, à savoir, la privation du droit du prêteur de percevoir des intérêts conventionnels.
L’interdiction des prétentions nouvelles en cause d’appel est une question qui ressurgit fréquemment et mérite d’être précisée, notamment lorsque des demandes voisines ou accessoires sont formulées devant les premiers juges puis devant la cour d’appel.
D’autres décisions ont détaillé les contours de la qualification d’une prétention nouvelle, à l’instar d’une décision rendue par la chambre commerciale de la Cour de cassation, datant du 23 février 1981, en vertu de laquelle une prétention avait été qualifiée de nouvelle car elle tendait à la nullité d’une vente, alors même qu’une demande en paiement avait été formulée devant les juges de première instance, ces demandes ne poursuivant pas les mêmes fins (Cass. com., 23 février 1981, n°79-15.161).
À rapprocher :
Article 564 et 565 du Code de procédure civile ; Cass. com., 23 février 1981, n°79-15.161
Un article rédigé par Clarence Dommee, Julie Ricau et Sophie Barruet du département Contrats, affaires complexes