Ce qu’il faut retenir :
Même en présence d’une décision d’homologation d’un plan de sauvegarde de l’emploi, Le Conseil de Prud’hommes reste compétent pour octroyer des dommages et intérêts compensant la perte de chance de conserver son emploi subi par un salarié dont la catégorie professionnelle pas été réellement supprimée.
Pour approfondir :
Une DREETS homologue un plan de sauvegarde de l’emploi qui prévoit la suppression de 61 postes regroupés dans une catégorie professionnelle. Parallèlement 35 postes, reprenant partiellement les fonctions de la catégorie supprimée, sont créés et proposés au reclassement
Les salariés licenciés saisissent le Conseil de Prud’hommes d’une demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou subsidiairement pour non-respect des critères d’ordre.
Considérant que leurs postes n’avaient pas été réellement supprimés, la Cour d’appel fait droit à cette demande et alloue aux salariés des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L’employeur forme le pourvoi qui aboutit à une décision de cassation riche d’enseignements.
Par un premier moyen, l’employeur fait grief aux salariés, sous couvert de contester la suppression de leur emploi, de critiquer les critères d'ordre de licenciement arrêtés dans le document unilatéral homologué.
Ce premier moyen est rejeté par la Cour de cassation.
En l’espèce, tous les postes de la catégorie professionnelle « Ingénieurs commerciaux » avaient été supprimés. Les critères d’ordre n’avaient donc pas à s’appliquer au sein de cette catégorie professionnelle. Mais 35 postes d’ingénieurs commerciaux, reprenant notamment les fonctions des attachés commerciaux étaient parallèlement créés et proposer au reclassement.
Considérer que les critères d’ordre auraient dû s’appliquer pour déterminer les 35 salariés qui, parmi les 61 attachés commerciaux, auraient dû conserver leur emploi revenait à remettre en cause le plan de sauvegarde tel qu’homologué par l’autorité administrative.
La Cour de cassation juge pourtant que cette question relève de la compétence du Conseil de Prud’hommes en analysant cette compétence a contrario du domaine de contrôle de l’autorité administrative.
Aux termes des L 1233-24-2, 4 et L 1233-57-3 du code du travail., l’autorité administrative vérifie que les catégories professionnelles créées répondent bien à la définition juridique d’une catégorie professionnelle et que le document prévoit des critères d’ordre conforme règles légales et conventionnelles.
La Haute juridiction en déduit que tout ce qui ne relève pas strictement de cette appréciation, notamment la réalité de la suppression d’emploi, relève de la compétence du Conseil de Prud’hommes.
Cette solution n’avait rien d’évident.
Par cette décision, la Haute juridiction contribue à consolider la frontière entre la compétence judiciaire et la compétence administrative : à la juridiction administrative l’appréciation abstraite de la légalité du projet de licenciement ; à la juridiction judicaire l’appréciation concrète de la légalité de sa mise en application.
Par un second moyen, l’employeur critiquait également l’octroi par la Cour d’appel de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur ce point la Cour de cassation valide le raisonnement de l’employeur.
Classiquement, le bien fondé d’un licenciement pour motif économique dépend de la réalité du motif économique de la rupture, de la suppression d’emploi et de la preuve de l’impossibilité de reclasser.
Les salariés critiquaient en l’espèce la réalité de la suppression de leur emploi. Sans suppression d’emplois, ils n’auraient pas dû être licenciés et la sanction de cette absence de suppression du poste est en principe la requalification du licenciement.
Mais en l’espèce la Cour d’appel aurait dû encore une fois se livrer à une appréciation in concreto de la situation de chaque salarié. Car la faute de l’employeur ne résultait pas de l’absence de suppression d’emploi des salariés mais de l’absence de suppression de tous les emplois de leur catégorie professionnelle.
La sanction de cette absence de suppression absolue résulte donc dans la perte de chance de conserver un emploi si les critères d’ordre avaient été appliqués.
C’est à la Cour d’appel de renvoi qu’il appartiendra de se prononcer individuellement sur cette appréciation.