L’ordonnance imposant la communication de pièces contenant des données à caractère personnel soumises au RGPD peut faire l’objet d’un recours immédiat
Cour de cassation – chambre sociale, 9 avril 2025 n°22-23.639
Ce qu’il faut retenir :
Sauf exceptions limitativement énumérées par le Code de procédure civile, les ordonnances rendues par le juge de la mise en état ne sont susceptibles de recours (appel ou cassation) qu'avec la décision statuant sur le fond (articles 606 et 795 du CPC).
Toutefois, lorsque leur objet est d’ordonner la communication de pièces contenant des données à caractère personnel, leur contestation par appel ou pourvoi immédiat peut être recevable, au regard de l’exigence d’effectivité du Droit de l’Union européenne, notamment des garanties prévues par le RGPD.
Pour approfondir :
Dans le cadre d'une action de groupe initiée par un syndicat à l'encontre d'une entreprise pour des faits de discrimination à l'encontre de salariées et ex-salariées, le juge de la mise en état a ordonné la communication d'un registre du personnel, document contenant des données personnelles sensibles protégées par le règlement (UE) 2016/679, à savoir le RGPD.
La société défenderesse a interjeté appel de cette ordonnance. La Cour d'appel a cependant déclaré le recours irrecevable, estimant que l'appel était prématuré. Un pourvoi immédiat a alors été formé contre cette décision.
Dans son arrêt du 9 avril 2025, la Cour de cassation censure la position des juges d'appel et affirme que le recours immédiat est recevable, même en dehors des exceptions prévues par les articles 606 et 795 du Code de procédure civile, lorsqu'il s'agit d'une décision ordonnant la communication de données personnelles protégées par le RGPD.
La Cour s'appuie sur plusieurs textes européens garantissant une protection juridictionnelle effective des justiciables, lesquels imposent aux juridictions nationales de permettre un contrôle préalable des décisions susceptibles de porter atteinte aux droits des personnes concernées.
Ainsi, selon la Haute Juridiction, la recevabilité immédiate de l'appel et du pourvoi garantit l'effectivité des droits reconnus par le RGPD. En effet, si de tels recours immédiats n'étaient pas autorisés, une fois les pièces communiquées, l'atteinte aux droits des personnes concernées ne pourrait plus être réparée.
Cette exception en matière de recours immédiat, justifiée par le Droit de l’Union, permet ainsi de garantir l’effectivité du droit à la protection des données personnelles. Cette position de la Cour de cassation traduit ainsi une volonté claire de concilier les exigences de la procédure civile française avec les impératifs du droit européen en matière de protection des données.
En outre, le juge ne peut ordonner la communication de données personnelles sans contrôle préalable. Un contrôle de proportionnalité entre la nécessité et la légitimité de la communication de pièces doit être opéré.
À rapprocher :
Un article rédigé par Marine Buirette du département Contentieux & Arbitrage