Le paiement de travaux supplémentaires dans le cadre d'un marché public de travaux à prix forfaitaire
La société Eiffage Construction Sud-Est avait conclu avec l'office public de l'habitat de Toulon Habitat Méditerranée un marché à prix global et forfaitaire relatif à la construction de 122 logements sociaux. Un différend est né, à l'issue des travaux, portant sur le paiement du solde du marché, en particulier au titre des prestations supplémentaires et modificatives réalisées par le titulaire du marché. Saisi d'une demande de ce dernier tendant au paiement des sommes correspondantes, le tribunal administratif de Toulon avait partiellement fait droit à celle-ci. En appel devant la cour administrative d'appel de Marseille, la condamnation de l’office public avait été réduite au motif que les travaux supplémentaires et modificatifs ne pouvaient être rémunérés qu'à la condition d'avoir été prescrits par un ordre de service régulier ou, à défaut, d'avoir été indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art. Pour les juges d'appel, le simple fait que les travaux en cause aient été réalisés sur ordre verbal du maître d'œuvre ne suffisait pas, en l'absence d'un ordre de service régulièrement émis, à ouvrir droit à rémunération.
Le Conseil d'Etat a, par une décision n°491682, Eiffage Construction Sud-Est du 17 mars 2025, censuré l'erreur de droit ainsi commise par la cour. Dans le prolongement de sa jurisprudence classique, le juge de cassation a rappelé que, lorsque le titulaire d'un marché à prix global et forfaitaire exécute des travaux supplémentaires à la demande du maître d'ouvrage ou du maître d'œuvre, cette demande, fût-elle simplement verbale, il a droit au paiement de ces travaux, même en l'absence d'un ordre de service formalisé comme le prévoient pourtant les prescriptions de l'article 14 du cahier des clauses générales applicables aux marchés de travaux. Le Conseil d'Etat a saisi cette occasion pour rappeler qu'en revanche, si le titulaire exécute des travaux de sa propre initiative, Ieur paiement n'est dû que s'ils étaient indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art.
Cette décision pragmatique confirme le caractère substantiel du droit au paiement du titulaire d'un marché public pour tout travail réalisé à la demande du maître d'ouvrage, quelles que soient les formalités prévues par le contrat.
Un article issu de La Lettre des Affaires Publiques - Mai 2025