Le Conseil d'Etat précise les règles de qualification et les conditions d'imposition des revenus perçus en France par l'associé d'une société civile allemande
Ce qu'il faut retenir :
Les revenus perçus par un artiste non-résident via une société civile étrangère peuvent relever des bénéfices non commerciaux s’il est établi que la société est assimilable à une société civile française. Dans ce cas, la déduction intégrale des frais professionnels est admise.
Pour approfondir :
En matière d’impôt sur le revenu, la qualification des revenus perçus est fondamentale tant pour les non-résidents de France que pour les résidents. Elle détermine en effet le régime applicable, qui varie d’une catégorie à une autre. Dans le cas des non-résidents, les frais professionnels correspondant aux activités salariées ne sont par exemple déductibles qu’en pratiquant un abattement forfaitaire de 10 %, alors qu’une déduction des frais réels est possible si les revenus sont des bénéfices industriels et commerciaux.
Dans une affaire ayant donné lieu à une décision du 2 juin 2025 au profit d’un membre du groupe allemand Scorpion (CE, 9e et 10e ch., 2 juin2025, n°492796), le Conseil d’Etat a dû statuer sur la qualification, et donc sur les conditions d’imposition, des revenus réalisés à l’occasion d'un concert donné en France en 2015. Par l’intermédiaire d’une société civile allemande, le guitariste du groupe avait perçu 828 516 euros qui avaient été taxés en France selon le régime des traitements et salaires, ce qui limitait la déduction des frais professionnels à 10 % de cette somme. Le contribuable avait évalué ses frais réels à 165 653 euros, et estimait qu’une déduction intégrale était possible s’il relevait du régime des bénéfices non commerciaux.
Pour qualifier les revenus en litige et déterminer leur régime fiscal, le Conseil d’Etat a alors appliqué une jurisprudence constante. En vertu de celle-ci, « Il appartient au juge de l'impôt, saisi d'un litige portant sur le traitement fiscal d'une opération impliquant une société de droit étranger, d'identifier d'abord, au regard de l'ensemble des caractéristiques de cette société et du droit qui en régit la constitution et le fonctionnement, le type de société de droit français auquel la société de droit étranger est assimilable. Compte tenu de ces constatations, il lui revient ensuite de déterminer le régime applicable à l'opération litigieuse au regard de la loi fiscale française ».
Pour l’application de ces règles, le Conseil d’Etat a ensuite retenu que la société civile de droit allemand ("Gesellschaft bürgerlichen Rechts") Scorpions est assimilable à une société civile de droit français régie par les dispositions de l'article 8 du Code général des impôts, et que compte-tenu de son activité artistique, la part de bénéfice revenant à ses associés doit, en vertu du II de l'article 238 bis K du même Code, être déterminée selon les règles applicables aux revenus relevant de la catégorie des bénéfices non commerciaux. La déduction intégrale des frais professionnels a donc été admise.
Un article extrait de La Lettre de la Fiscalité - Juin - Juillet 2025