L’aveu judiciaire ne peut porter sur la qualification de gérant de fait

L’aveu judiciaire ne peut porter sur la qualification de gérant de fait

Cass. com. 5 octobre 2022, n°21-14770

 

Ce qu’il faut retenir :

 

L’aveu par le défendeur à l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif de l’accomplissement « en toute indépendance d’actes de gestion outrepassant ses fonctions de directeur commercial » ne peut caractériser la direction de faits en l’absence de tout autre éléments probants, l’aveu judiciaire ne pouvant porter que sur des points de fait et non de droit.

 

Pour approfondir :

La responsabilité pour insuffisance d’actif peut être engagée à l’encontre de tout dirigeant de droit ou de fait d’une société en liquidation judiciaire, à l’origine d’une ou plusieurs fautes de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif (L. 651-2 du code de commerce).

 

En l’espèce, une Cour d’appel avait condamné le directeur commercial d’une société en liquidation judiciaire à supporter l’insuffisance d’actif de cette dernière à hauteur de 1.000.000 €, retenant (pour toute démonstration de la qualité de gérant de fait) l’aveu du défendeur n’ayant pas contesté qu’il accomplissait « selon le liquidateur en toute indépendance des actes de gestion outrepassant ses fonctions de directeur commercial ».

 

Bien que les fautes de gestion reprochées n’incitaient pas à la clémence (fraude massive à la TVA, incompétence manifeste en matière de gestion etc.), la censure apparaissait inévitable.

 

La Cour de cassation juge en effet de manière constante (sur le fondement des articles 1383 et suivants du code civil) que l’aveu judiciaire ne peut porter que sur un point de fait, et non un point de droit. Il en découle que la déclaration du défendeur indiquant au Tribunal avoir la qualité de gérant de fait n’est pas un aveu admissible, une telle qualification constituant un point de droit (Cass. com. 10 mars 2004, 00-17.577). Partant, dans l’hypothèse de l’absence de toute autre élément, la qualification de gérant de fait ne peut qu’être rejetée.

 

Au visa des articles L. 651-2 du code de commerce et 1383-2 du code civil, la Haute juridiction jugea ainsi en l’espèce que la Cour d’appel n’avait pas constaté « de faits précis de nature à caractériser une immixtion de M. [S] dans la gestion de la société, ni que ce dernier aurait agi en toute indépendance, en excédant ses fonctions de directeur commercial, ni qu’il aurait fait l’aveu de certains faits ».

 

On aurait pu objecter que la reconnaissance de l’exercice « en toute indépendance d’actes de gestion outrepassant les fonctions de directeur commercial » revêtait tout de même une certaine matérialité, contrairement à la reconnaissance « de la qualité de gérant de fait », notion brute de laquelle ne découle dans l’absolu aucune évidence matérielle. Il est cependant incontestable qu’aucun fait précis n’est dans cette hypothèse reconnu par le défendeur, le juge ne pouvant alors procéder à une quelconque qualification juridique.

 

A rapprocher :

Cass. com. 10 mars 2004, 00-17.577