La remise sur facture inconditionnelle « Taxe LIDL » ne constitue pas un avantage sans contrepartie
CA Paris 25 octobre 2023, n°21/11927
Ce qu’il faut retenir :
La Cour d’appel de Paris confirme la licéité des remises additionnelles imposées par le Groupement d’achat E. Leclerc (ci-après « GALEC ») aux fournisseurs de produits à marque nationale également présents dans les rayons des magasins de l’enseigne concurrente LIDL.
Pour approfondir :
En l’espèce, à la demande du Ministre de l’Economie et des Finances (ci-après le « Ministre »), une enquête a été menée par les enquêteurs de la DGCCRF concernant la remise additionnelle de 10 % que le GALEC imposait à certains fournisseurs qui commercialisaient leurs produits à la fois dans les magasins sous l’enseigne E.Leclerc et dans les magasins sous l’enseigne concurrente LIDL.
Considérant que cette « Taxe LIDL » constituait une « pénalité abusive destinée à surtaxer les produits que le fournisseur diffuse également à son concurrent », le Ministre a assigné le GALEC devant le Tribunal de commerce de Paris sur le fondement de l’ancien article L. 442-6 I 1° du Code de commerce (version applicable aux faits de l’espèce) relatif à l’avantage sans contrepartie, afin qu’il soit enjoint au GALEC de cesser cette pratique et que le groupement soit condamné au paiement de la somme de 83.035.774,91 euros au titre des sommes indument perçues et au paiement d’une amende civile de 25 millions d’euros.
Le Tribunal de commerce de Paris par un jugement rendu le 11 mai 2021 a rejeté les demandes du Ministre en considérant que son action était mal fondée.
Selon le Tribunal, le Ministre aurait commis une erreur de fondement juridique : dès lors que les contrats-cadre conclus entre le GALEC et les fournisseurs n’imposaient pas la fourniture d’un service par les fournisseurs, le GALEC ne pouvait pas être condamné sur un texte faisant référence à l’absence « de service commercial effectivement rendu ».
La décision des premiers juges est surprenante dès lors que l’article L. 442-6 I 1° du Code de commerce avait notamment pour but de lutter contre la coopération fictive.
Il aurait peut-être été opportun que le Ministre fonde également son action sur l’article L. 442-6 I 2° du Code de commerce relatif à la soumission ou à la tentative de soumission d’un partenaire commercial à une obligation créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.
En tout état de cause, le Ministre a interjeté appel de ce jugement.
Par un arrêt rendu le 25 octobre 2023, la Cour d’appel de Paris a débouté le Ministre de toutes ses demandes.
Dans sa décision, la Cour fait expressément référence au récent arrêt de la Cour de cassation en date du 11 janvier 2023 (RG n°21-11.163, publié) selon lequel : « L’application de l’article L. 442-6, I, 1° du code de commerce exige seulement que soit constatée l’obtention d’un avantage quelconque ou la tentative d’obtention d’un tel avantage ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu, quelle que soit la nature de cet avantage ».
Les juges du fond ont, en conséquence notamment considéré que (i) la remise litigieuse imposée par le GALEC faisait partie intégrante de la négociation liée aux conditions de l’opération de vente et que la contrepartie de celle-ci était le maintien du flux d’affaires entre les fournisseurs et le GALEC dans un contexte de tension concurrentielle entre les distributeurs de l’enseigne E. Leclerc et LIDL et (ii) qu’il n’était pas démontré que la remise était disproportionnée par rapport aux gains escomptés par les fournisseurs et qu’en conséquence, celle-ci était licite.
Selon les juges du fond, l’article L. 442-6 I 1° du Code de commerce peut donc s’appliquer à un « avantage de toute nature ».
Il conviendra de suivre les éventuels rebondissements de l’affaire dans l’hypothèse où un pourvoi en cassation serait initié par le Ministre.
A rapprocher :
Un article rédigé par Claire Sicard du département Distribution, Concurrence, Consommation