La notion de « marge d’erreur suffisante » jugée conforme à la Constitution

La notion de « marge d’erreur suffisante » jugée conforme à la Constitution

Cons. constit., QPC n°2024-1087, 30 avril 2024

 

Ce qu’il faut retenir :

La référence à la notion de « marge d’erreur suffisante » a été reconnue conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel dès lors que cette notion ne présente pas de caractère imprécis ou équivoque.

 

Pour approfondir :

En l’espèce, à la suite d’une enquête menée par la Direction régionale interdépartementale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités d’Ile-de-France (DRIEETS), le groupement d’achat Edouard Leclerc (GALEC) a été contraint, sous astreinte, de modifier la rédaction des clauses relatives aux pénalités logistiques insérées dans les contrats conclus avec ses fournisseurs.

 

Dans ce contexte, le GALEC a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité afin que le Conseil constitutionnel statue sur la conformité des dispositions de l’article L. 441-17 du Code de commerce à la Constitution.

 

Cet article relatif aux pénalités logistiques dispose que « [l]e contrat peut prévoir la fixation de pénalités infligées au fournisseur en cas d'inexécution d'engagements contractuels. Il prévoit une marge d'erreur suffisante au regard du volume de livraisons prévues par le contrat. Un délai suffisant doit être respecté pour informer l'autre partie en cas d'aléa ».

 

Il convient de préciser que le non-respect des dispositions de l’article L. 441-17 du Code de commerce est passible d’une amende civile dont le montant ne peut excéder le plus élevé des trois montants suivants : cinq millions d’euros ; le triple du montant des avantages indument perçus ou obtenus ; ou 5% du chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France par l’auteur des pratiques lors du dernier exercice clos en vertu de l’application combinée des articles L. 442-1 et L. 442-4 du même code.

 

Le GALEC considère que les dispositions de l’article L. 441-17 du Code de commerce seraient inconstitutionnelles en raison de l’imprécision de la notion de « marge d’erreur suffisante ».

 

Plus précisément, selon le GALEC cette notion de « marge d’erreur suffisante » qui, en pratique, oblige les distributeurs à prévoir un taux de service logistique du fournisseur inférieur à 100% dans les conventions logistiques conclues avec les fournisseurs, méconnaîtrait le principe de légalité des délits et des peines dans des conditions affectant la liberté d’entreprendre et la liberté contractuelle.

 

Pour rappel, en vertu du principe de légalité des délits et des peines, le législateur ou, le cas échéant, le pouvoir réglementaire dans son domaine de compétence, doivent fixer des sanctions ayant le caractère d’une punition en des termes suffisamment clairs et précis.

 

Dans sa décision en date du 30 avril 2024, le Conseil constitutionnel affirme que la notion de « marge d’erreur suffisante » ne présente pas de caractère imprécis ou équivoque dans la mesure où « le caractère suffisant de la marge d’erreur doit s’apprécier au cas par cas au regard du volume de livraisons prévues par le contrat ». En conséquence, en se référant à cette notion « le législateur a défini avec une précision suffisante les éléments essentiels de l’obligation dont, sous le contrôle du juge, la méconnaissance est sanctionnée ».

 

Dès lors, le Conseil constitutionnel considère que le grief tiré de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines doit être écarté et que la notion de « marge d’erreur suffisante » doit être déclarée conforme à la Constitution.

 

Enfin, s’agissant de la notion de « marge d’erreur suffisante », il convient de préciser que, dans ses lignes directrices en matière de pénalités logistiques en date du 21 septembre 2023, la DGCCRF a affirmé que cette notion devait s’apprécier « au regard des caractéristiques des produits concernés, des modalités d’approvisionnement et des volumes de livraison prévus au contrat ou, à défaut de volume de livraison prévus au contrat, au regard des volumes effectivement livrés ».

 

En tout état de cause, il est nécessaire de rappeler que la DGCCRF considère comme abusifs et non conformes aux dispositions de l’article L. 441-17 du Code de commerce, les taux de service avoisinant les 100 %, y compris pour les produits faisant l’objet d’une opération promotionnelle.

 

A rapprocher : Article L. 441-17 du Code de commerce ; Lignes directrices de la DGCCRF en matière de pénalités logistiques.

 

Un article rédigé par Claire Sicard du département Distribution, Concurrence, Consommation