Christelle SALMON-LATASTE, avocate-associée, responsable du département Financements Structurés, vous donne son avis d'experte dans son dernier article "La hausse des prix change l’équilibre des projets en énergie renouvelable", en collaboration avec Marc DEVEDEIX, avocat en droit de l’énergie paru dans L'AGEFI HEBDO.
Les exploitants d’installations de production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables bénéficient pour la plupart d’un soutien public qui leur garantit un niveau de revenu couvrant leurs coûts et une rémunération raisonnable. La crise des prix de l’énergie représente à la fois une opportunité et un risque pour ces producteurs. D’une part, sortir du soutien public leur permettrait de bénéficier des prix élevés du marché électrique. D’autre part, la hausse du coût des matières premières, entraîné par celui des prix de l’énergie, crée un risque d’abandon des projets en développement dont le tarif garanti est devenu insuffisant.
Centrales en exploitation
Les installations de production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables bénéficient pour la plupart d’un soutien public contractualisé sur quinze à vingt ans. Cette aide d’Etat prend la forme soit d’un tarif d’achat garanti, soit d’un complément de rémunération qui comble la différence entre un tarif de référence et le prix de marché. Longtemps supérieurs au prix de marché, ces tarifs sont devenus inférieurs en raison de la forte hausse des prix de l’électricité.
En obligation d’achat, les producteurs ne bénéficient pas des prix de marché élevés. En complément de rémunération, ils remboursent les aides précédemment perçues sous forme de prime, avant de bénéficier des prix élevés du marché : c’est le plafonnement du remboursement.
Ce plafonnement a été supprimé en décembre 2021 pour les nouveaux contrats de soutien. Mais les producteurs qui continuaient à bénéficier du plafonnement en application des contrats en cours sont désormais invités par courrier à reverser à l’Etat le surplus de rémunération perçu sur le marché une fois le plafond atteint, a minima jusqu’à la fin de l’année 2022. Grâce au déplafonnement, l’Etat peut bénéficier de la vente sur le marché de l’électricité produite par les installations en complément de rémunération en étant en toute hypothèse directement bénéficiaire du surplus de rémunération perçu sur le marché par rapport au tarif aidé. Toutefois, une loi devra valider le déplafonnement des contrats en cours, sous réserve d’un motif d’intérêt général suffisant.
Les producteurs en tarif d’achat et ceux soumis au régime du déplafonnement pourraient mettre fin aux contrats en cours afin de bénéficier par anticipation des prix de marché élevés ou de négocier un corporate PPA avec des consommateurs qui ont de plus en plus besoin de sécuriser leur approvisionnement en énergie. Les effets de la résiliation doivent toutefois être analysés finement, son régime ayant évolué au fil des régimes de soutien. Selon les cas, la résiliation peut ainsi être réalisée sans frais ou bien sous réserve du remboursement des aides perçues, ou encore entraîner l’application d’une sanction administrative. En outre, la résiliation anticipée des contrats aidés aura un impact sur le dimensionnement de la dette projet mise en place et nécessitera l’obtention d’un waiver de la part des prêteurs. Des contreparties pourront être exigées par les prêteurs pour sécuriser la prise en compte du risque marché (dans le cadre d’un merchant PPA ou d’un corporate PPA) avant le terme initialement prévu du soutien public, quand bien même ce risque serait dilué dans le cadre d’un portefeuille.
Centrales en développement
Les développeurs bénéficiant d’un soutien public sont impactés par la hausse du coût des matières premières. Alors que leurs tarifs de soutien sont figés, cette hausse des coûts d’investissement ne leur permet plus d’envisager une rémunération raisonnable. Soit les développeurs concluent un contrat long terme sur le marché (corporate PPA voire merchant PPA) en substitution du soutien public, soit ils risquent d’abandonner leurs projets. Les développeurs contraints d’abandonner leurs projets pourront candidater à de nouveaux appels d’offres (mais sans garantie d’être de nouveau lauréats), ce qui retardera le développement des énergies renouvelables en France.
Une alternative consiste à compenser la hausse des coûts par une valorisation sur le marché de l’électricité produite avant le début du soutien public. Ici encore, le régime applicable doit être finement analysé car plusieurs périodes de valorisation préalable peuvent être dégagées, avec des niveaux de risques/bénéfices différents et des nuances selon les dispositions pertinentes. En vue de financer ces projets, en fonction du prix sur le marché, les producteurs pourront avoir intérêt à ce que les revenus résultant de la vente de l’électricité sur le marché ou de la vente à un corporate dans le cadre d’un corporate PPA et perçus avant l’activation du contrat aidé soient intégrés dans les hypothèses du cas de base pour dimensionner la dette long-terme. Tout dépendra de l’évaluation du risque global du projet, au regard notamment des contreparties du producteur, de l’évaluation du risque contractuel, du risque de réduction de la durée du contrat aidé et du risque technique lié à la performance ou à la durée de vie de l’actif.