Investissements Directs Etrangers en France : une attractivité maintenue et consolidée malgré un contrôle renforcé (Etat des lieux – Année 2023)

Investissements Directs Etrangers en France : une attractivité maintenue et consolidée malgré un contrôle renforcé

(Etat des lieux – Année 2023)

 

Pour mémoire

Les Investissements Directs Etrangers (IDE) sont des investissements par lesquels des entités résidentes d'une économie acquièrent un intérêt durable dans une entité résidente d'une autre économie et exerce, dans le cadre d’une relation à long terme, une influence significative sur sa gestion.

 

Par convention, un IDE est établi dès lors que l’entité investisseuse acquiert ou détient au moins 10 % du capital social ou des droits de vote de l’entité investie.

Au-delà de cette relation initiale d’investissement direct, les IDE s’étendent à l’ensemble des opérations ultérieures réalisés en capital entre les deux entités et les entreprises affiliées.

 

Par ailleurs, la forme prise par l’IDE dépend de l’objectif poursuivi à l’égard de l’entité cible et de son niveau d’intégration dans la chaine de production de l’entreprise :

  • Création d’une filiale ex nihilo, installation de matériel et recrutement : IDE de création
  • Acquisition d’une entité étrangère existante : IDE d’acquisition
  • Apport de fonds à une filiale existante afin d’accroître sa capacité : IDE d’extension
  • Soutien de l’activité d’une filiale en difficultés : IDE de restructuration

 

La multinationalisation ainsi établie permet d’accéder à de nouveaux marchés, de nouvelles ressources, une nouvelle main-d’œuvre, ainsi que de réduire les coûts.

Statistiquement, les IDE permettent également de mesurer l’attractivité économique d’un pays.

 

Néanmoins, leur réalisation n’est pas totalement libre.  La mondialisation, la crise sanitaire, les tensions géopolitiques… ont, en effet, incité et conduit les Etats à reconsidérer l’équilibre entre attraction des investissements étrangers et souveraineté économique. Autrement dit, l’articulation entre ouverture aux investissements étrangers et contrôle des investissements étrangers s’est récemment vu modifiée, comme en témoigne l’étude du cas français.

 

  • Le contrôle des IDE en France

En France, le principe est celui de la liberté des relations financières avec l’étranger.[1]

 

Ainsi, le contrôle des investissements étrangers vise uniquement à protéger les activités qui participent à l’exercice de l’autorité publique ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité publique, l’ordre public ou aux intérêts de la défense nationale.

 

En revanche, les investissements réalisés dans les secteurs non sensibles sont soumis à simple déclaration administrative. Certains investissements sont même expressément dispensés de cette déclaration (création d'une nouvelle entreprise, extension d'activité de sociétés ou entreprises existantes…).

 

De plus, les investisseurs ressortissants d'un pays de l'Union européenne ou d'un État de l'Espace Economique Européen bénéficient d'un régime de faveur.

 

Néanmoins, la France a progressivement renforcé son contrôle des IDE :

  1. Le champ des secteurs soumis à contrôle a progressivement été étendu aux :
  • Activités de défense et de sécurité[2]
  • Activités d’approvisionnement en eau et en énergie, activités d’exploitation des réseaux et des services de transport et de communications électroniques[3]
  • Activités liées aux opérations spatiales, activités d’hébergement de données réalisées au profit du ministère de la défense ou dont la divulgation porterait atteinte à une activité contrôlée par la règlementation, activités de recherche et de développement, destinés à être mis en œuvre dans le cadre d’une activité d’ores et déjà contrôlée par la réglementation, sur des technologies dites « critiques »[4]
  • Activités nécessaires à la production, à la transformation et à la distribution des produits agricoles et activités de presse[5]

 

  1. Le seuil de déclenchement du contrôle des investissements étrangers a été abaissé:
  • De 33 % à 25 % de la détention des droits de vote d’une entité de droit français non cotée.
  • A 10 % de détention des droits de vote d’une société de droit français dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé.

 

  1. Les pouvoirs de police et de sanction du ministre chargé de l’Economie, en cas de méconnaissance des dispositions relatives au contrôle des IDE en France, ont été consolidés:
  • Pouvoir d’injonction: injonction à l'investisseur (i) de déposer une demande d'autorisation, (ii) de rétablir à ses frais la situation antérieure, ou encore (iii) de modifier l'investissement.
  • Mesures conservatoires: suspension des droits de vote, interdiction ou limitation de la distribution des dividendes ou des rémunérations… attachés aux actions ou aux parts sociales, dont la détention par l'investisseur aurait dû faire l'objet d'une autorisation préalable.
  • Sanction pécuniaire pour (i) réalisation d'une opération sans autorisation préalable, (ii) obtention d'une autorisation préalable par fraude, (iii) manquement aux conditions, et (iv) non-respect d'une injonction.

 

En droit français, l’investissement étranger est soumis à autorisation préalable du ministre chargé de l’Economie lorsque les trois critères cumulatifs sont réunis :

  • Nationalité et résidence fiscale de l’investisseur: sont considérées comme investisseurs étrangers les personnes physiques et morales de nationalité étrangère ainsi que les personnes physiques de nationalité française, non résidentes fiscalement en France.
  • Nature de l’investissement: les investissements ayant pour objet l’acquisition (i) du contrôle d’une entité de droit français, (ii) de tout ou partie d’une branche d’activité et (iii) pour les investisseurs qui ne sont pas issues de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen, le franchissement du seuil de 25 % des droits de vote d’une entité française ou de 10 % d’une société française cotée.
  • Activités sensibles: les investissements dans une activité, en France,
  • de nature à porter atteinte à l'ordre public, à la sécurité publique ou aux intérêts de la défense nationale,
  • de recherche, de production ou de commercialisation d'armes, de munitions, de poudres et substances explosives, ou
  • qui participe à l'exercice de l'autorité publique.

Le non-respect de cette autorisation préalable entraine la nullité de tout engagement, convention ou clause contractuelle réalisant l’investissement.

Par ailleurs, la demande d’autorisation est à déposer, en ligne, lorsque le projet d’investissement est à un stade avancé (suite à l’élaboration d’un projet de contrat d’acquisition, après conclusion sous conditions suspensives d’un tel contrat…).

 

L’instruction de la demande d’autorisation est ensuite réalisée par la direction générale du Trésor qui, à la suite de son contrôle, propose une décision au Ministre.

En pratique, l’instruction se déroule en deux phases distinctes :

  • Analyse des trois critères cumulatifs susmentionnés (30 jours ouvrés, sous réserve des demandes, suspensives de délai, de complément par la direction générale du Trésor).
  • L’investisseur reçoit une réponse du ministre chargé de l’Economie, pouvant être de trois ordres :
    • L’investissement n’est pas soumis à autorisation préalable du fait de l’absence de l’un des trois critères ;
    • L’investissement est soumis à autorisation préalable du Ministre et l’opération est autorisée sans condition ;
    • L’investissement est soumis à l’accord préalable du Ministre mais un examen complémentaire est nécessaire pour déterminer si la préservation des intérêts nationaux nécessite d’assortir l’autorisation de conditions.

Dans ce cas, une deuxième phase (de 45 jours maximum), est ouverte :

  • Le cas échéant, les conditions dont seront assorties l’autorisation sont élaborées avec les membres compétents du Comité interministériel des investissements étrangers en France.
  • La direction générale du Trésor propose un projet (négociable) de conditions à l’investisseur étranger.
  • L’investisseur signe la lettre de conditions qui est annexée à l’autorisation.

Ainsi, à l’issue de cette phase, le Ministre peut (i) autoriser l’opération sans conditions, (ii) autoriser l’opération sous des conditions proportionnées et justifiées, (iii) refuser l’opération si les intérêts nationaux ne peuvent être préservées malgré l’instauration de conditions.

 

Enfin, dans les 2 mois suivant l’autorisation du Ministre, l’investisseur étranger doit déclarer la réalisation de l’investissement à la direction générale du Trésor en indiquant la date, la répartition du capital, le montant et les éventuelles modifications de la chaîne de détention.

 

  • Vers un contrôle européen des IDE

Depuis le 11 octobre 2020, un cadre européen de contrôle des investissements étrangers, visant à préserver les intérêts essentiels des États membres dans des domaines identifiés comme secteurs clés, a été instauré.[6]

L’approche adoptée par l’Union Européenne est semblable à celle de la France :

  • entre interdiction de principe des restrictions de mouvements de capitaux au sein de l’Union (article 63 du TFUE) et
  • possibilité pour les Etats membres d’adopter des mesures restrictives justifiées par des motifs liés à l’ordre public et à la sécurité publique (article 64 du TFUE).[7]

 

Tout d’abord, l’Union a énoncé des principes communs à toutes les législations et mécanismes nationaux de contrôle, plaçant la transparence et la non-discrimination en tête de liste.

Le Règlement (UE) 2019/452 a également instauré une liste indicative de secteurs et de technologies sensibles que les mécanismes nationaux pourraient couvrir.

Enfin, le Règlement a mis en place un mécanisme de coopération et d’échanges d’informations. Dès lors, les investissements internationaux doivent être notifiés à la Commission européenne ainsi qu’aux autres États membres. Ces derniers peuvent ensuite poser des questions et, le cas échéant, émettre un avis ou un commentaire sur ces opérations dès lors qu’elles sont susceptibles de porter atteinte à la sécurité ou à l’ordre public de plus d’un État membre ou à un programme ou projet présentant un intérêt pour l’Union. En France, l’un des cinq États membres notifiant le plus de dossiers à la Commission, ce mécanisme n’entraine pas d’allongement des délais réglementaires de la procédure nationale.

 

La portée de ce système de coopération demeure néanmoins limitée. En effet, le système ne s’applique qu’aux investissements en provenance d’un État non-membre de l’Union européenne. De plus, le mécanisme repose sur la coopération des États membres qui demeurent donc seuls décisionnaires pour autoriser ou non un investissement sur leur territoire. La décision d’établir un mécanisme de filtrage ou de filtrer un IDE relève en effet de la responsabilité exclusive de l'État membre concerné.

 

Néanmoins, la création d’un groupe d’experts sur le contrôle des investissements étrangers dans l’Union européenne, sous l’égide de la Commission et dans lesquels tous les États membres sont représentés, contribue à la diffusion, à l’approfondissement et à la convergence des pratiques de contrôle au sein de l’Union.

 

Ce qu’il faut retenir

 

  • Le bilan 2023 des IDE en France d’un point de vue national (publication Business France du 29 février 2024)[8]

L’équilibre entre protection des entreprises exerçant une activité sensible pour les intérêts nationaux et ouverture de l’économie nationale est crucial. En effet, tout renforcement du dispositif de contrôle des IDE envoie un signal de vigilance à l’égard des parties prenantes.

Pourtant, malgré le « durcissement » de son système de contrôle des IDE, la France a su maintenir son attractivité auprès des investisseurs étrangers. Ces derniers ont, en effet, bien que dans un contexte mondial instable, renouvelé leur confiance envers la France.

 

L’attractivité française s’explique en grande partie par le programme de réformes structurelles, mises en place depuis 2017 par le Président de la République et son gouvernement visant à transformer l’économie, l’activité des entreprises et à gagner en compétitivité.

Le succès de cette politique a été soulignée par Monsieur Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle : « Notre politique économique menée depuis 2017 marche et bénéficie à tous les français […] Nous continuons à mettre en œuvre des réformes structurelles pour créer des emplois bien rémunérés sur tout le territoire, faciliter l’activité des investisseurs et attirer des projets de recherche, de production, de digitalisation, de décarbonation. C’est pourquoi je présenterai cette année de nouvelles mesures de simplification et d’attractivité. ».

Dans le même esprit, Monsieur Franck Riester, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, chargé du Commerce extérieur et de l'Attractivité, de la Francophonie et des Français de l’étranger, dans le gouvernement Attal, a déclaré : « Ce bilan démontre que la France continue de consolider son attractivité pour les investissements étrangers. Depuis 2017, le Gouvernement met en œuvre des réformes structurelles inédites pour rendre notre pays toujours plus attractif dans tous les domaines.».

 

Ainsi, sur l’année 2023, la France occupait, pour la quatrième année consécutive, la première place européenne en termes d’accueil des investissements étrangers.

1815 décisions d’investissement, permettant la création ou le maintien de 59254 emplois (d’ici 3 ans), ont été recensées.

Autrement dit, en moyenne, en 2023, 35 décisions d’investissement ont été prononcées chaque semaine.

Notons que, depuis 2023, le périmètre de comptabilisation des projets s’est élargi aux investissements de décarbonation, digitalisation, sauvegarde et partenariats technologiques.

En 2023, 205 projets d’investissement concernant l'objectif de « décarbonation » de l’économie française ont été recensés, soit 11,3 % des projets.

Par ailleurs, 47% des projets d’investissement sont des créations d'établissements, signe que les investisseurs sont convaincus par les perspectives économiques de la France. Les extensions, qui représentent 45% des projets et 68% des emplois, symbolisent quant à elles la confiance continue des investisseurs étrangers envers la France ainsi que leur satisfaction après une expérience dont ils ont pu mesurer les avantages.

 

S’agissant de la provenance des IDE réalisés en France, 56 nationalités sont à recenser.

Bien qu’une grande majorité des investissements proviennent d’Europe (65% des projets et 56% des emplois), les Etats-Unis restent en tête (17% des projets (305) et 17000 emplois), devant l’Allemagne (15% des projets (272) et 6815 emplois) et le Royaume-Uni (10% des projets (173) et 4435 emplois).

 

Le « Sommet Choose France » au cours duquel le Président de la République réunit, annuellement à Versailles, des investisseurs étrangers, permet également de promouvoir les atouts économiques français (la dernière édition s’est tenue le 15 mai 2023).

De même, la campagne « Make it Iconic », en cours depuis octobre dernier et déployée autour de la « marque France » invite les investisseurs à créer sur le territoire français. Il s’agit d’une opportunité supplémentaire pour valoriser le dynamisme industriel et économique français ainsi que son potentiel d’innovation, de vitalité culturelle et artistique.

  • Le bilan 2023 des IDE en France d’un point de vue régional

Les projets d'investissement international irriguent l'ensemble du territoire français. En effet, 49 % des projets, et 73 % des projets industriels, se réalisent dans des communes de moins de 20.000 habitants.

 

Néanmoins, certaines régions se démarquent par leur attractivité croissante et/ ou constante.

 

  • Depuis 2021, les Hauts-de-France connaissent une accélération dans l’attraction des IDE.

En 2023, les Hauts-de-France se classaient 2ème région française en nombre d’emplois (8368) et 3ème région en nombre de projets (197).

Par ailleurs, 37 % des projets sont des projets de production, faisant de la région Hauts-de-France un acteur principal de la réindustrialisation en France.

 

  • En 2023, la Région Grand Est a également confirmé sa place parmi les régions les plus attractives de France. Les investissements accueillis par cette région représentaient, en effet, 10,3% des projets d’investissements internationaux à destination de la France.

Avec 188 projets recensés, les IDE en Grand Est ont connu une croissance de 25% par rapport à 2022. Le nombre d’emplois (5600) créés ou maintenus par des IDE a également augmenté de 17% par rapport à l’année précédente.

Avec 74 nouvelles implantations et 104 projets d’extension, cette Région confirme également sa capacité à attirer de nouveaux investisseurs ainsi qu’à créer un environnement favorable à leur développement dans la durée.

En Grand Est, le plus grand investisseur est l’Allemagne (26% des projets) suivi des Etats-Unis (13%), de la Belgique (13%), du Royaume-Uni (9%), de la Suisse (6%), de l’Italie (4%) et des Pays-Bas (4%).

 

  • Enfin, la région Occitanie attire de plus en plus d’investisseurs étrangers.

En 2023, les 136 projets d’IDE accueillis par cette région ont permis de créer ou de maintenir 6847 emplois, soit une hausse de 29% par rapport à 2022.

Les principaux investisseurs en Occitanie sont originaires des États-Unis (22 projets, 1220 emplois), de l’Allemagne (18 projets, 870 emplois) et des Pays-Bas (12 projets, 299 emplois).

Les filières aéronautique, navale et ferroviaire sont les plus importantes contributrices à la création d’emplois dans le bilan des IDE 2023. Elles sont en effet à l’origine de 51,8% des emplois générés.

 

 

 

Pour aller plus loin

[1] Article L 151-1 du code monétaire et financier

[2] Décret n°2005-1739 du 30 décembre 2005 réglementant les relations financières avec l'étranger et portant application de l'article L. 151-3 du code monétaire et financier.

[3] Décret n° 2014-479 du 14 mai 2014 relatif aux investissements étrangers soumis à autorisation préalable

[4] Décret n° 2018-1057 du 29 novembre 2018 relatif aux investissements étrangers soumis à autorisation préalable

[5] LOI n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (1)

[6] Règlement (UE) 2019/452 du Parlement Européen et du Conseil du 19 mars 2019 établissant un cadre pour le filtrage des investissements directs étrangers dans l'Union

[7] Version consolidée du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne

[8] https://prdstanas01.blob.core.windows.net/media/PRODUCTION/Presse/CP%20Bilan%202023%20Business%20France.pdf

 

Un article rédigé par Cristelle Albaric, du département International