Interruption de prescription et décision devenue définitive

Interruption de prescription et décision devenue définitive

Cass. Soc, 14 novembre 2024, n°22-17.438

 

Ce qu’il faut retenir :

Conformément à l'article 2241 du Code civil, toute demande en justice, y compris en référé, interrompt la prescription. En vertu de l’article 2243 du même code, l’effet interruptif de prescription est non-avenu lorsque la demande en justice est définitivement rejetée.
Par cet arrêt, la Cour de cassation précise que le caractère définitif d’une décision s’entend de l’expiration du délai de pourvoi en cassation, ce qui suspend l’effet interruptif de prescription jusqu’à cette date.

 

Pour approfondir :

En l’espèce, un salarié a été licencié le 11 octobre 2017. Contestant le bienfondé de son licenciement, il a saisi le Conseil des Prud’hommes en référé le 21 mars 2018, afin de solliciter sa réintégration dans l’entreprise et le paiement de diverses sommes. Par un arrêt du 5 décembre 2018, la Cour d’appel a rejeté ses demandes, considérant l’existence d’une contestation sérieuse.

Le 10 janvier 2019, le salarié a introduit une nouvelle action, cette fois au fond, devant le Conseil des Prud’hommes.

Par un arrêt du 24 mars 2022, la Cour d’appel a déclaré son action au fond irrecevable car prescrite, au motif qu’aucun pourvoi n’avait été formé à l’encontre de l’arrêt rendu le 5 décembre 2018 (disant n’y avoir lieu à référé).

Ainsi, selon les juges du second degré, l’interruption de la prescription née de la saisine de la juridiction était non avenue dans la mesure où les demandes du salarié avaient été définitivement rejetées. La Cour d’appel a jugé que l’effet interruptif de la prescription n’était plus valable puisque l’arrêt du 5 décembre 2018, rejetant les demandes en référé, était devenu définitif à défaut de pourvoi formé contre celui-ci.

La Cour de cassation a censuré la position de la Cour d’appel, considérant que l’arrêt d’appel du 5 décembre 2018 n’était devenu définitif qu’à la date du 5 février 2019, date à laquelle le délai de deux mois pour former un pourvoi en cassation à l’encontre de l’arrêt rendu le 5 décembre 2018 a expiré.

Ainsi, la Cour de cassation juge que le délai de prescription était toujours interrompu en date du 10 janvier 2019, date à laquelle le salarié a saisi la juridiction prud’homale au fond, et que sa demande est donc recevable.

La décision de la Cour de cassation met en lumière la question de l'interprétation de l'expression « demande définitivement rejetée ». En confirmant la recevabilité de l’action au fond initiée par le salarié, la haute juridiction précise implicitement qu’une décision est définitive à compter de l’expiration du délai pour former un pourvoi en cassation, nonobstant l’existence d’autres voie de recours extraordinaire, telle que la tierce opposition.

 

À rapprocher :

Article 2241 du Code civil
Article 2243 du Code civil
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 19 septembre 2024, 22-23.146, Publié au bulletin

Un article rédigé par Marine Buirette du département Contentieux & Arbitrage