Hausse des prix et imputabilité de la rupture des relations commerciales
Cour d’appel de Paris – 15 octobre 2025, RG n°23/11730
Ce qu'il faut retenir :
L’augmentation non négociable des prix, même minime, est une modification substantielle des conditions commerciales constitutive d’une rupture brutale des relations commerciales établies imputable à son auteur, qui ne peut de ce fait reprocher à la partie à qui l’augmentation a été imposée d’avoir cessé ses commandes.
Pour approfondir :
En l’espèce, une société exerçant une activité de fret, transitaire et commissionnaire de transport, était en relation commerciale avec une société de logistique, d’entreposage et de manutention entre octobre 2018 et septembre 2021. Cette dernière ayant augmenté ses prix, la première sollicite une renégociation qui lui est refusée. Elle réduit puis cesse en conséquence de commander auprès de sa partenaire.
La société de fret est assignée en rupture brutale des relations commerciales établies en raison de la cessation des commandes et réplique en demandant reconventionnellement de voir la rupture imputée à sa partenaire à cause de la hausse non négociable des prix. Elle complète sa demande reconventionnelle d’une prétention fondée sur le déséquilibre significatif.
Le tribunal de commerce de Lille a jugé que les relations commerciales entre les deux sociétés étaient établies, mais les a toutes deux déboutées de leurs demandes faute pour elles d’avoir prouvé leur préjudice. La société de logistique interjette appel de ce jugement, et la société de fret forme un appel incident.
La société de logistique maintient ses demandes et conclut à l’infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions. La société de fret demande que la relation commerciale soit jugée non établie ou, à titre subsidiaire, qu’il soit jugé que la rupture brutale est intervenue à l’initiative de la société de logistique, et à titre plus subsidiaire, d’accueillir sa demande fondée sur le déséquilibre significatif.
La cour d’appel de Paris juge en premier lieu que les relations commerciales entre les parties étaient bien établies en raison de commandes ininterrompues et régulières, bien que variables, et de la part de chiffre d’affaires réalisé par la société de logistique avec sa partenaire. Elle relève que la rupture, bien que brutale en raison de l’absence ou de l’insuffisance du préavis, doit être imputable à son auteur pour être sanctionnée.
Au visa de l’article L. 442-1, II du code de commerce, elle juge que :
« Il importe peu que cette hausse ne soit pas en elle-même fautive et qu’elle soit de faible importance rapportée au coût total des prestations […] La hausse immédiate pratiquée par la [société de logistique] n’était pas prévisible faute d’avoir été annoncée ou de correspondre à une pratique consensuelle antérieure. Et, l’attitude fermée de la [société de logistique] […] a privé la [société de fret] de toute possibilité de négociation. Aussi, cette dernière était libre de l’accepter en poursuivant la relation ou de la refuser en mettant un terme à celle-ci. La rupture, quoique découlant de sa décision de cesser toute commande, ne lui est en conséquence pas imputable au sens de l’article L 442-1 II du code de commerce. »
Ainsi, une hausse de prix, même minime, dès lors qu’elle est unilatérale, imprévisible et non négociable, peut autoriser le partenaire à mettre fin à la relation commerciale sans encourir le grief de rupture brutale. La cour juge encore que cette hausse, portant sur un élément essentiel tel que le prix, peut constituer elle-même une rupture brutale, mais rejette en l’espèce l’indemnisation faute pour la société de fret d’avoir apporté les éléments permettant d’évaluer la réalité et l’étendue de son préjudice. Sa demande fondée sur le déséquilibre significatif est quant à elle rejetée faute d’avoir prouvé le déséquilibre prétendument créé par cette hausse des prix.
À rapprocher :
Un article rédigé par Clémence BERNE et Mickael MENDIZABAL du département Distribution, Concurrence, Consommation
