Garantie des vices cachés et prescription
Cass. com., 19 mars 2025, n°22-24.761, Publié au Bulletin
Ce qu'il faut retenir :
L’action en garantie des vices cachés doit être engagée dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice, ou en matière d’action récursoire, à compter de l’assignation, sans pouvoir excéder un délai de vingt ans à compter de la vente.
Pour approfondir :
Une société spécialisée dans la fabrication d’éoliennes a vendu, le 21 décembre 2013, trente unités à plusieurs sociétés de parcs éoliens.
Par courriel du 1er octobre 2018, elle a informé les sociétés de parcs éoliens de la chute d’une pale, survenue au Royaume-Uni, affectant une éolienne issue de la même série que celles livrées.
Par courrier du 5 octobre 2018, la société venderesse leur a indiqué que ce dommage avait pour origine « un délaminage inattendu en pied de pale entre la coque et les inserts de boulons » résultant d’une « déviation du processus de fabrication entraînant une adhérence réduite des entretoises utilisées comme espaceurs entre les inserts du boulon ».
À la suite d’un second incident survenu le 27 juin 2020 sur un autre parc éolien, la société venderesse a, dans l’attente des résultats de l’analyse des causes, recommandé aux parcs éoliens de procéder à la mise à l’arrêt à titre conservatoire de quatre éoliennes.
Entre-temps, le 3 février 2020, les sociétés de parcs éoliens ont assigné la société venderesse en référé devant le président du Tribunal de commerce, aux fins, d’une part, de faire désigner un expert chargé d’identifier les vices affectant les pales des éoliennes et le préjudice d’exploitation en résultant, et, d’autre part, d’obtenir une provision au titre des pertes liées à la mise à l’arrêt et au bridage des éoliennes.
C’est dans ce contexte que la Cour d’appel de Paris (dans un arrêt rendu le 9 septembre 2022 n° 21/06861) a considéré que l’action en garantie des vices cachés engagée par les sociétés de parcs éoliens n’était pas prescrite, ce qui a conduit la société venderesse à former un pourvoi en cassation.
En particulier, la société venderesse fait valoir la prescription de l’action en soutenant que son courrier du 5 octobre 2018 ne saurait valoir reconnaissance du droit des parcs éoliens à la garantie des vices cachés, mais, tout au plus, de leur droit de bénéficier de réparations en vertu du contrat de maintenance conclu, de sorte qu’aucun effet interruptif de prescription ne saurait être attaché à ce courrier dans le cadre de l’action en garantie des vices cachés.
Une nouvelle fois, la Cour de cassation a été sollicitée pour préciser les contours du régime de la prescription applicable à l’action en garantie des vices cachés.
Par son arrêt en date du 19 mars 2025, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par la société venderesse.
La Cour de cassation rappelle que, conformément aux articles 1648 et 2232 alinéa 1er du Code civil, l’action en garantie des vices cachés doit être exercée dans un délai de deux ans :
- à compter de la découverte du vice ; ou
- à compter de l’assignation en matière d’action récursoire,
et ce, sans pouvoir excéder un délai butoir de vingt ans à compter de la naissance du droit, c’est-à-dire en matière de garantie de vices cachés, à compter de la vente conclue entre les parties.
Dans les faits, la Cour de cassation constate que la vente avait été conclue le 21 décembre 2013 ; la société venderesse avait informé les parcs éoliens de la possible présence d’un vice affectant les pales des éoliennes par un courrier du 5 octobre 2018 ; et que l’action en garantie avait été engagée par les parcs éoliens le 3 février 2020.
Ainsi, elle en déduit que l’action en garantie, introduite le 3 février 2020, est recevable et n’est pas prescrite puisqu’elle a été introduite dans le délai de deux ans suivant la réception de la lettre de la société venderesse informant de l’existence d’un vice, et avant l’expiration du délai butoir de vingt ans à compter de la vente.
Si cet arrêt ne se distingue pas par la nouveauté de sa solution, il conforte la position déjà retenue par la Cour de cassation en matière de prescription de l’action en garantie des vices cachés.
À rapprocher :
- Cass. 1re civ., 29 janv. 2025, n° 23-20.738
Un article rédigé par Estelle PHILIPPON du département Concurrence, Distribution, Consommation