Faire pression sur une collègue après une rupture amoureuse justifie un licenciement pour faute grave
Cass. Soc., 26 mars 2025, n°23-17.544 F-B
Ce qu’il faut retenir :
Un motif tiré de la vie personnelle d’un salarié ne peut en principe justifier un licenciement disciplinaire, à moins qu’il constitue un manquement à une obligation découlant de son contrat de travail, comme ici, l’obligation de sécurité et de santé à l’égard des autres salariés.
Pour approfondir :
Un directeur des partenariats et des relations institutionnelles a été licencié pour faute grave en raison de son comportement inapproprié à l’égard d’une collaboratrice de l’entreprise avec laquelle il avait entretenu une relation amoureuse. Alors que la salariée avait formulé le souhait de s’en tenir à une relation strictement professionnelle après la rupture, le salarié avait continué à la poursuivre et l’importuner, exerçant sur elle une pression par de nombreux moyens (SMS, WhatsApp, appels sur le téléphone portable tant professionnel que personnel).
Le salarié a contesté le bien-fondé de son licenciement en faisant valoir que celui-ci reposait sur un fait tiré de sa vie personnelle.
Les juges du fond ont débouté le salarié de ses demandes et considéré que son comportement était constitutif d’un manquement rendant impossible le maintien du contrat de travail. La Cour d’appel a ainsi confirmé la qualification de faute grave, nonobstant l’ancienneté du salarié, au regard des éléments matériels communiqués par l’employeur (alerte du médecin du travail, constats d’huissier faisant état des messages envoyés sur la messagerie personnelle et professionnelle, témoignage de la manager). Ceux-ci établissaient le lien existant entre le comportement adopté par le salarié et l’activité professionnelle, ainsi que les pressions exercées contre la salariée et la réalité de la souffrance de cette dernière.
Le salarié a formé un pourvoi en cassation considérant, notamment, que le fait de tenter d’obtenir une explication à un dépit amoureux ou de tenter de renouveler le dialogue à la suite de la rupture d’une relation amoureuse nouée avec une salariée, par un salarié comptant plus de trente-deux années d’ancienneté sans passé disciplinaire, ne rendait pas impossible son maintien dans l’entreprise et n'était donc pas constitutif d’une faute grave.
Aux termes de son arrêt du 26 mars dernier, la Cour de cassation a confirmé la position des juges du fond et rejeté le pourvoi du salarié aux motifs suivants :
« le comportement, sur le lieu et le temps du travail, du salarié dans une position hiérarchique élevée, dans le but d'obtenir une explication en raison d'un possible dépit amoureux ou aux fins d'entretenir une relation malgré le refus clairement opposé par une collaboratrice, peu important qu'elle ne soit pas sous sa subordination directe, constituait un manquement à ses obligations découlant du contrat de travail, incompatible avec ses responsabilités et qu'une telle attitude, de nature à porter atteinte à la santé psychique d'une autre salariée, rendait impossible son maintien au sein de l'entreprise »Se fondant sur l’article L. 4122-1 du Code du travail, la Haute juridiction vient renforcer, par cet arrêt publié au bulletin, sa jurisprudence sur le nécessaire respect par les salariés, en particulier ceux exerçant une autorité, de l’obligation de sécurité et de santé à l’égard des autres salariés. A ce titre, les comportements délétères peuvent justifier un licenciement pour faute grave.
À rapprocher : Cass. soc., 26 février 2025, pourvoi n°22-23.703
Un article rédigé par Zakia BAKI, du département droit Social