Défaut de rentabilité non imputable au franchiseur dans une activité hybride

Défaut de rentabilité non imputable au franchiseur dans une activité hybride

CA Paris, 5-4, 22 mai 2024, 22/08668

 

Ce qu’il faut retenir :

Le franchisé ne peut pas engager la responsabilité du franchiseur pour défaut de rentabilité sur la base des chiffres d’affaires prévisionnels communiqués s’il a réduit son activité principale de franchisé au profit de son activité accessoire exceptionnellement accordée par le franchiseur.

 

Pour approfondir :

Dans cette affaire, un franchisé avait été autorisé par le franchiseur à exercer une activité de restauration, activité accessoire à son contrat de franchise de vente de glace.

Après trois ans d’exercice, le franchisé a informé le franchiseur de la cessation son activité principale sous l’enseigne du franchiseur avant le terme du contrat de franchise, sans pour autant que ce dernier ne prenne fin.

L’année suivante, le franchisé a assigné le franchiseur devant le Tribunal de commerce de Paris afin d’engager sa responsabilité délictuelle et contractuelle.

Le franchisé reprochait au franchiseur d’avoir manqué à son obligation d’information précontractuelle, violé la clause d’exclusivité et résilié abusivement le contrat de franchise.

Suite à cette assignation, le franchiseur a rappelé au franchisé son obligation contractuelle d’exploiter le point de vente jusqu’au terme du contrat.

En l’absence de changement, le franchiseur a procédé à la résiliation anticipée du contrat de franchise aux torts exclusifs du franchisé.

En première instance, le Tribunal de commerce de Paris a condamné le franchiseur à indemniser le franchisé pour le préjudice moral subi mais il a considéré que (i) l’absence de document d’information précontractuelle (DIP) n’avait pas occasionné de préjudice au franchisé, (ii) que le franchiseur n’avait pas violé son obligation d’exclusivité et (iii) qu’il était en droit de résilier le contrat de franchise.

Le franchisé a interjeté appel et nous vous proposons d’analyser l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 22 mai 2024.

L’apport principal de cet arrêt porte sur le défaut de rentabilité reproché au franchiseur dans le cadre d’une activité de franchise hybride.

Nous n’évoquerons donc pas la question de la violation de la clause d’exclusivité et celle de la résiliation abusive du contrat de franchise.

Dans le cas d’espèce, le franchisé reprochait au franchiseur de ne pas l’avoir informé de l’état général et local du marché et de lui avoir communiqué un prévisionnel erroné.

L’article L.330 du Code de commerce prévoit effectivement une obligation du franchiseur, préalablement à la signature du contrat de franchise, de communiquer au franchisé un « document donnant des informations sincères » dont « l’état et les perspectives de développement du marché concerné ».

S’agissant de l’obligation d’information précontractuelle, les juges rappellent qu’il appartient au franchisé de réaliser une étude de marché local pour s’assurer de la viabilité de son projet dans la ville où il est implanté.

Ils ajoutent que le franchisé ne soutient à aucun moment avoir été confronté à une spécificité du marché dont l’information aurait pu lui être communiqué dans les documents dont il allègue ne pas avoir été destinataire.

S’agissant de la communication d’un prévisionnel erroné, le franchiseur a communiqué au franchisé un prévisionnel d’exploitation de ses franchisés, pour une activité classique, en France et en Europe car le concept n’était pas encore implanté dans le pays du franchisé.

Dans le cas d’espèce, le franchiseur a exceptionnellement autorisé le franchisé à exercer une activité de franchise hybride, à savoir l’exploitation d’un point de vente de glace sous franchise à titre principal, et l’exploitation d’un bar-restaurant de 12h à 14h30 dans les locaux à titre accessoire.

Cependant, le franchisé a exercé son activité accessoire en dehors des plages horaires définies et à même cesser d’exercer son activité principale, ce qui a entrainé une baisse du chiffre d’affaires de son activité de franchisé.

Dans ces circonstances, les juges n’ont pas retenu la responsabilité du franchiseur pour défaut de rentabilité, même si l’écart entre le chiffre d’affaires prévisionnel et le chiffre d’affaires réalisé était supérieur à 50%, car le franchisé a détourné l’autorisation exceptionnelle donnée par le franchiseur d’adjoindre une activité complémentaire à son activité principale de franchisé, rendant impossible la caractérisation d’un défaut de rentabilité du concept.

La Cour a en effet retenu que « l’existence de deux activités au sein du même local, dans des modalités différentes de celles prévues à l’avenant du contrat de franchise, ont eu des conséquences sur l’activité, les heures d’ouverture, l’organisation et la gestion du personnel [du franchisé] et par là-même de sa rentabilité, sans qu’il soit démontré un défaut de rentabilité du concept même [du franchiseur] et de l’absence de sérieux des chiffres d’affaires initialement annoncés par la société [du franchiseur] pour une activité entièrement dédiée au concept [du franchiseur] ».

Cet arrêt rappelle des règles essentielles, à savoir qu’il appartient au franchisé de réaliser une étude de marché local pour s’assurer de la viabilité de son projet et que l’absence de sérieux des chiffres prévisionnels doit être démontrée par le franchisé pour soutenir un défaut de rentabilité du concept du franchiseur.

Dans un autre arrêt, les juges avaient également refusé de retenir l’erreur sur la rentabilité économique car le franchisé n’était pas parvenu à démontrer que son consentement avait été vicié (CA Aix-en-Provence, 18 avril 2024, n°20/03856).

 

A rapprocher : CA Aix-en-Provence, 18 avril 2024, n°20/03856.

 

Un article rédigé par Anne Qin du département Distribution, Concurrence, Consommation