Contrat de franchise : réticence dolosive pour dissimulation de procédures collectives survenues dans le réseau postérieurement à la remise du DIP

Contrat de franchise : réticence dolosive pour dissimulation de procédures collectives survenues dans le réseau postérieurement à la remise du DIP

Cass. com. 26 juin 2024, n°23-14.085, B

 

Ce qu’il faut retenir :

Le franchiseur qui garde intentionnellement le silence sur les procédures collectives survenues dans le réseau après la remise du DIP et avant la signature du contrat de franchise est l’auteur d’un dol dès lors que la transmission de cette information au franchisé l’aurait dissuadé de contracter.

 

Pour approfondir :

Dans cette affaire, deux sociétés avaient conclu un contrat de franchise le 12 juin 2013 pour une durée de cinq, portant sur une activité de location de courte durée de véhicules. La société franchisée a été placée en liquidation judiciaire le 23 mai 2017, et a cessé toute activité le 2 juin 2017. Les associés de la société franchisée ont assigné le franchiseur pour obtenir, à titre principal, la nullité du contrat de franchise, subsidiairement, sa résiliation aux torts exclusifs du franchiseur et, en tout état de cause, la condamnation de ce dernier à leur payer des dommages et intérêts.

 

La Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel de Paris, qui avait rejeté la demande en nullité et en réparation au motif que le franchiseur avait transmis un document précontractuel d’information (DIP) conforme aux articles L. 330-1 et R. 330-1 du Code de commerce.

 

La chambre commerciale se prononce au visa des articles 1116 et 1382 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à la réforme du droit des contrats, et rappelle ainsi que « le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté » et que « tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer », les associés de la société franchisée ayant combiné action en nullité et action en réparation. Notons que les textes issus de la réforme n’ont pas modifié la substance de ces dispositions, qui se retrouvent aux articles 1130 et 1137 s’agissant du dol, et à l’article 1240 s’agissant de la responsabilité (ce dernier article étant demeuré inchangé).

 

La cour d’appel avait rejeté les demandes des associés de la société franchisée en relevant que le DIP transmis par le franchiseur était conforme aux dispositions des articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce. En effet, le DIP présentait l'état général du marché ; le nombre d'entreprises ayant, dans les douze mois antérieurs, cessé de faire partie du réseau en raison de l'expiration ou de la résiliation des contrats ou de la cession du fonds de commerce, ainsi qu'en raison d'une procédure collective ; les investissements prévisibles avant le commencement de l'exploitation ; le chiffre d'affaires moyen par véhicule déclaré par les agences franchisées ; le coût mensuel moyen de la flotte déclaré par les agences franchisées et le parc de véhicules à financer.

 

Pour autant, la Cour de cassation reproche aux juges de fond de ne pas avoir recherché si le franchiseur n'avait pas gardé intentionnellement le silence sur les procédures collectives survenues dans le réseau après la remise du DIP et avant la signature du contrat de franchise et si cette information n'aurait pas dissuadé le franchisé de contracter. S’il est classique que l’absence d’informations portant sur le nombre et les raisons des départs du réseau dans le DIP puisse entrainer la nullité du contrat de franchise (par ex. Cass. com., 1er juin 2022, n° 21-16.481), il s’agit ici d’évènements survenus après la remise du DIP.

 

La transmission d’un DIP complet et conforme n’est donc pas l’assurance de l’absence de vice du consentement.

 

Le nouvel article 1112-1 du Code civil aurait-il pu être invoqué si le contrat avait été conclu après l’ordonnance de réforme de 2016 ? Cet article dispose en effet en son alinéa 1er que « celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, ce dernier ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant » et instaure ainsi un devoir général d’information, qui s’additionne au devoir spécial des articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce. Les franchiseurs ont donc intérêt à transmettre aux candidats à la franchise toutes les informations de nature à déterminer leur consentement, peu important qu’elles soient visées par l’article R. 330-1 du Code de commerce ou qu’elles naissent après la transmission du DIP.

 

A rapprocher : Article 1112-1 du Code civil

 

Un article rédigé par Lorene Murat-Henri du département Concurrence, Distribution, Consommation