Contrat d’agent commercial : état de santé de l’agent et indemnité de fin de contrat
CA Aix-en-Provence, 2 octobre 2024, n° 23/14340
Ce qu’il faut retenir :
L’agent commercial qui met fin à son contrat en raison de son âge et de son état de santé a le droit à une indemnisation compensatrice équivalente à la moyenne des commissions perçues sur les deux années précédentes, incluant les précédents contrats d’agence commerciale conclus par la société dans laquelle il exerçait.
Pour approfondir :
Une personne physique et une société ont conclu un contrat d’agent commercial le 23 mai 2016, succédant à plusieurs contrats d’agence conclus avec une société dans laquelle l’agent exerçait depuis 2013. L’agent commercial a notifié sa volonté de rompre le contrat en mars 2017 en raison de son état de santé, et réclame ainsi le paiement de l’indemnité compensatrice de fin de contrat, ainsi que de commissions impayées. Le mandant conteste les sommes réclamées, et le tribunal de commerce refuse à l’agent commercial le bénéfice de l’indemnité compensatrice, dans une décision est infirmée par l’arrêt commenté.
La décision de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence appelle trois séries de remarques, concernant l’octroi de l’indemnité compensatrice, le montant de l’indemnité compensatrice, et la fixation de la durée de préavis.
Primo, s’agissant de l’octroi de l’indemnité compensatrice, il ressort des articles L.134-12 et L.134-13 du code de commerce qu’en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi. Par exception, cette indemnité n’est pas due si la cessation du contrat résulte de l’initiative de l’agent, à moins que cette cessation soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l’âge, à l’infirmité ou la maladie de l’agent commercial, par suite desquels la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée.
En l’espèce, la Cour d’appel déduit du certificat médical indiquant que l’agent, âgé de 66 ans à la date de la notification de la rupture, « présente depuis 2017 un diabète sous sulfamides hypoglycémiant et un syndrome anxio-dépressif sous benzodiazepine avec risque de baisse de vigilance au volant », que la poursuite de son activité ne pouvait plus être raisonnablement exigée compte-tenu de son âge et de ses difficultés de santé.
Les conditions posées par les textes précitées étant remplies, la Cour d’appel infirme le jugement de première instance, soulignant que l’office du juge doit se limiter à apprécier le caractère raisonnable d’une poursuite d’activité de l’agent commercial au regard de son âge et de son état de santé, et excluant ainsi la condition d’une impossibilité de poursuivre son activité, qui n’est pas visée par l’article L. 134-12 du code de commerce.
Secundo, s’agissant du montant de l’indemnité compensatrice, la motivation de la Cour d’appel est intéressante, en l’absence de règle légale d’évaluation de l’indemnisation. La Cour réaffirmé tout d’abord l’usage selon lequel le montant de l’indemnité de rupture équivaut à deux ans de commissions brutes calculées sur la base des commissions perçues soit au cours des deux dernières années d’exécution du contrat, soit sur la moyenne des commissions des trois dernières années. Cette durée de deux ou trois années est justifiée par le fait qu’elle corresponde habituellement à la période nécessaire à l’agent afin de reconstituer une clientèle de l’ordre de celle dont il est privé.
La Cour souligne cependant que cet usage ne fait pas obstacle à une appréciation concrète du préjudice subi par l’agent et tenant aux circonstances de l’espèce, c’est pourquoi elle s’intéresse à la durée de la relation d’agence en l’espèce. A ce titre, elle prend en compte les précédents contrats signés depuis 2013 avec une société dans laquelle l’agent exerçait les mêmes fonctions que pendant la relation objet de la rupture litigieuse. En effet, le mandant a bénéficié d’avantages substantiels grâce à l’expérience professionnelle de l’agent commercial : son activité doit donc inclure son travail dans l’intérêt de la marque depuis la signature du premier contrat en 2013.
In fine, la Cour d’appel calcule l’indemnité compensatrice par la moyenne des commissions perçues sur les deux années 2015 et 2016 ayant précédé la rupture du contrat.
Tertio, s’agissant de la durée du préavis, la Cour d’appel adopte un raisonnement contraire en refusant de prendre en compte les contrats antérieurs pour la détermination de la durée du préavis. Cette solution est en accord avec l’article L. 134-11 du code de commerce, qui détermine la durée du préavis en fonction de la durée du contrat et non de la relation. Or, en l’espèce, les contrats antérieurs sont des contrats juridiquement distincts et signés entre des parties différentes, et ne doivent par conséquent pas être pris en compte.
A rapprocher : CA Paris, 29 juin 2023, RG n°19/20254 ; CA Colmar, 11 mars 2016, n°14/01484
Un article rédigé par Lorene Murat-Henri du département Concurrence, Distribution, Consommation