CNAPS : La nouvelle procédure disciplinaire

La réforme du CNAPS issue de l’ordonnance du 31 mars 2022 s’est progressivement mise en place les 1er mai et 1er septembre 2022, instituant notamment une nouvelle procédure disciplinaire, faisant disparaitre les Commissions locales (« CLAC », 1ere instance disciplinaire) et la Commission nationale d’agrément et de contrôle (CNAC, appel disciplinaire) et laissant au Directeur du CNAPS un pouvoir plus grand en matière de sanction.

Cette nouvelle procédure de sanction permettant au mis en cause de présenter des observations écrites et, sur demande, des observations orales, l’avocat pourra accompagner les personnes physiques ou morales dans la défense de leurs droits.

 

 

Le Conseil National des Activités Privées de Sécurité (CNAPS), a été créé par la loi du 14 mars 2011[1]. Faisant l’objet de nombreuses critiques, notamment de la Cour des comptes qui jugeait la régulation lacunaire[2], une réforme d’ampleur a été lancée.

Dans l’objectif d’obtenir davantage d’efficacité et de réactivité, et de proposer une doctrine unifiée sur l’ensemble du territoire, le législateur a habilité le gouvernement, au sein de l’article 38 de la loi du 25 mai 2021[3], à prendre par voie d’ordonnance des mesures relatives aux modalités d’organisation, de fonctionnement et d’exercice des missions du CNAPS, aboutissant à l’ordonnance du 30 mars 2022[4], et au décret[5] du même jour.

 

La nouvelle organisation

 

Les missions du CNAPS demeurent inchangées : il délivre les autorisations, il contrôle les activités de la sécurité privée et sanctionne la méconnaissance des dispositions applicables à celles-ci, contenues dans le Code de la sécurité intérieure. Enfin, il apporte un conseil aux professionnels de ce secteur dans l’interprétation des textes.

Le collège du CNAPS devient un conseil d’administration dont le Président est nommé par décret, sur proposition du ministre de l’Intérieur et non plus par ses membres, dont le nombre est par ailleurs diminué.

Une commission d’expertise est créée auprès du conseil d’administration, composée de membres issus des activités privées de sécurité et de membres du conseil d’administration du CNAPS. Son objectif est de formuler toute proposition qui lui parait de nature à garantir le bon exercice des missions du CNAPS concernant les activités privées de sécurité.

 

Les contrôles

 

Les prérogatives de contrôle, à savoir la possibilité d’effectuer des visites sur site, de demander la communication de tous documents ou la possibilité de réaliser des entretiens, demeurent presque inchangées, à l’exception de l’assermentation des agents et de la permission qui leur est faite d’accéder désormais, en sus des locaux des entreprises exerçant les activités règlementées ou de leurs donneurs d'ordres, à tout lieu où sont exercées ces activités, y compris lorsqu'elles le sont dans des locaux affectés à un usage privé ou d'habitation, en présence de l'occupant des lieux ou de son représentant. En cas d'opposition de l'occupant des lieux ou de son représentant, l'accès aux locaux ne peut se dérouler qu'avec l'autorisation du juge des libertés et de la détention.

A l’issue de ces contrôles, il revient au Directeur du CNAPS, sur la base des rapports et procès-verbaux réalisés, de décider d’engager ou non une procédure disciplinaire.

 

La nouvelle procédure disciplinaire

 

Jusqu’alors, la procédure disciplinaire était exercée au niveau local par les Commissions Locales d'Agrément et de Contrôle (CLAC) et en appel par la Commission Nationale d’Agrément et de Contrôle (CNAC), entité qui a vocation à disparaître lorsque le contentieux des décisions rendues par les CLAC avant leur dissolution le 1er mai 2022 sera épuisé.

Supprimant l’échelon local, l’exercice du pouvoir disciplinaire est désormais divisé entre deux autorités au seul échelon national, en fonction de la gravité des manquements et des sanctions envisagées.

 

    • - Le Directeur du CNAPS

 

Celui-ci est dorénavant compétent pour prononcer lui-même les sanctions d’avertissement et de blâme assorties de pénalités financières inférieures ou égales à un seuil fixé par arrêt du ministre de l’Intérieur (pas plus de 15.000 euros pour les personnes morales et pas plus de 2.000 euros pour les personnes physiques). Ces décisions de sanction peuvent faire l’objet d’un recours préalable obligatoire devant la commission de discipline dans un délai de 15 jours. Ce recours doit être faite à peine d’irrecevabilité du recours contentieux.

Le Directeur du CNAPS est ainsi seul à décider quelle sanction mérite le manquement et ses décisions ne sont pas publiées au recueil des actes administratifs du département, à moins que celui-ci en décide autrement.

 

    • - La commission de discipline

 

Une nouvelle commission de discipline est créée par cette réforme. Celle-ci est composée de magistrats de l’ordre judiciaire et de l’ordre administratif, de représentants de l’Etat et de personnes issues des activités privées de sécurité.

Elle est saisie par le Directeur du CNAPS lorsqu’il estime que la sanction encourue dépasse son seuil de compétence, soit une interdiction temporaire d’exercice ou une pénalité financière d’un montant supérieur au plafond fixé par arrêté (plus de 15.000 euros pour les personnes morales et plus de 2.000 euros pour les personnes physiques) ou par recours de la personne sanctionnée contre une décision prononcée directement par le Directeur du CNAPS.

Les décisions prises par cette commission de discipline peuvent être contestées devant les juridictions administratives sans recours préalable et le Directeur du CNAPS peut lui-même exercer ce recours.

 

Le rôle de l’avocat pénaliste

 

A l’instar de la procédure pénale, les procédures disciplinaires menées devant les autorités administratives, tel que le CNAPS, permettent aux personnes de bénéficier des mêmes droits de la défense et des mêmes principes fondamentaux.

Le CNAPS est donc soumis : à la présomption d’innocence, à l’analyse de la validité procédurale des contrôles, au principe de légalité (« pas de sanction sans texte », qui s’applique à toute sanction ayant le caractère d’une punition et non aux seules peines prononcées par les juridictions répressives), au principe d’interprétation stricte des dispositions répressives[6] etc….

Cette similarité de principes permet à l’avocat pénaliste d’intervenir, dans l’objectif d’améliorer la défense des mis en cause, au stade des observations écrites et orales.

 

 

Préconisations :

 

  • - Former les personnels à gérer un contrôle CNAPS ;
  • - S’assurer de la validité de ces contrôles ;
  • - Saisir un avocat pour contester les contrôles et procédures disciplinaires sur le fond, la forme ou pour tenter d’amoindrir la sanction.

 

[1] Loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure

[2] Rapport public annuel 2018

[3] Loi n° 2021-646 du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés

[4] Ordonnance n° 2022-448 du 30 mars 2022 relative aux modalités d’organisation, de fonctionnement et d’exercice des missions du Conseil national des activités privées de sécurité

[5] Décret n° 2022-449 du 30 mars 2022 pris pour l’application de l’ordonnance n° 2022-448 du 30 mars 2022 relative aux modalités d’organisation, de fonctionnement et d’exercice des missions du Conseil national des activités privées de sécurité

[6] CA, 25 juillet 2013, n° 366640

 

Un article rédigé par David Marais et Julie Guenand, du département Droit pénal pénal de l'entreprise, Compliance, RSE & Intelligence économique