Clause exonératoire de responsabilité en cas de force majeure et déséquilibre significatif

Clause exonératoire de responsabilité en cas de force majeure et déséquilibre significatif

Cass.com., 26 février 2025, n°23-20.225

Ce qu'il faut retenir :

Dans cet arrêt, la Cour de cassation a rappelé que l’appréciation du déséquilibre significatif passe par une analyse concrète de l’économie générale du contrat.

Un tel déséquilibre ne peut se déduire du seul fait que la clause litigieuse place une partie dans une situation moins favorable que celle résultant de l’application de dispositions législatives ou réglementaires supplétives de la volonté des parties.

Pour approfondir :

En l’espèce, une société spécialisée dans l'exposition d'œuvres d’art belges d'après-guerre (la société exposante) a conclu un contrat pour l'allocation d'un espace d'exposition avec une autre société, organisatrice de la foire « Arts Paris » (la société organisatrice).

Dans ce cadre, la société exposante a versé un acompte de 53.600,63 euros.

Les conditions générales du contrat prévoyaient, d’une part, que : « Dans le cas où, pour des raisons majeures, imprévisibles ou économiques (telles que incendie, inondations, destructions, accidents, cas fortuit, grève à l'échelon local ou national, émeute, risque d'insécurité, tempête, menace terroriste, retrait d'autorisation), la foire ne peut avoir lieu, les participations des exposants ne seront pas remboursées » ; et, d’autre part, que : « Les exposants dégagent l'organisateur de toute responsabilité en cas d'incendie, explosion, d'inondation, troubles divers et pour tout élément non imputable à l'organisateur, agents ou préposés. En particulier, il ne pourra être demandé de dommages-intérêts à l'organisateur dans le cas où la manifestation devait être annulée par suite d'événement présentant un caractère de force majeure. »

Compte tenu des mesures sanitaires imposées par l'arrêté du 4 mars 2020 visant à lutter contre la propagation du virus Covid-19, et interdisant tout rassemblement de plus de 5.000 personnes en milieu clos jusqu'au 31 mai 2020, l'événement a été annulé.

La société exposante a alors sollicité le remboursement de l'acompte qu’elle a versé à la société organisatrice, et a contesté la validité de la clause de force majeure prévue au contrat, qu’elle estimait en contradiction avec l'article L. 442-1, I, 2° du Code de commerce.

Pour mémoire, ce texte, ayant pour finalité de lutter contre les clauses abusives entre professionnels, interdit à une partie de soumettre une autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans leurs droits et obligations.

La cour d’appel de Paris, dans son arrêt du 27 janvier 2023, a considéré que la clause d’exonération de responsabilité était valable, en se fondant sur trois motifs :

  • l’équilibre économique entre les sommes perçues par les deux sociétés ;
  • l'obligation de la société organisatrice d'anticiper les dépenses ; et
  • l’acceptation du risque par la société exposante de perdre l’acompte en cas d'annulation de la manifestation.

En conséquence, la cour d’appel a rejeté la demande en remboursement de l’acompte.

La société exposante s’est pourvu en cassation, soutenant que (i) les termes de la clause dérogeaient aux dispositions de l’article 1218 du Code civil, dont l’application aurait entraîné la résolution du contrat, et de facto la restitution de l’acompte et que (ii) ces dispositions faisaient peser sur elle la totalité des risques du contrat en cas d’annulation de l’évènement, créant ainsi un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des cocontractants.

Par sa décision du 26 février 2025, la Cour de cassation est venue préciser que l'appréciation du déséquilibre significatif ne se déduit pas du seul fait que la clause place une partie dans une situation moins favorable que celle prévue par des dispositions législatives supplétives de volonté.

La Cour a également rappelé une jurisprudence constante selon laquelle la qualification de déséquilibre significatif doit être fondée sur l’analyse concrète de l'économie générale du contrat.

Ainsi, la clause exonératoire de responsabilité en cas de force majeure ne crée pas de déséquilibre significatif dès lors que les parties l'ont acceptée en signant le contrat.

La notion de déséquilibre significatif de l’article L.442-1,I,2° du Code de commerce et celle de l’article L.212-1 du Code de la consommation sont deux notions autonomes

 

À rapprocher :

Un article rédigé par Léna BIRONNEAU du département Concurrence, Distribution, Consommation