Clause de non-concurrence post-contractuelle - office du juge des référés
Cass, com, 15 mai 2024, n° de pourvoi 23-10.696, publié au bulletin
Ce qu’il faut retenir :
Lorsque la licéité d’une clause de non-concurrence post-contractuelle n'est pas établie « avec l'évidence requise en référé » au regard des dispositions de l’article L 341-2 du code de commerce, le juge des référés n’est pas compétent pour ordonner des mesures sur le fondement de cette clause.
Pour approfondir :
En l’espèce, un franchisé était lié à un franchiseur par un contrat de location-gérance, un contrat de franchise et un contrat d’approvisionnement pour l'exploitation d'un supermarché sous l'enseigne du franchiseur.
Le Franchiseur a procédé à la dénonciation du contrat de location-gérance. Trois mois plus tard, les trois contrats ont cessé.
Par suite, le gérant de la société franchisée a créé une nouvelle société ayant pour objet l’exploitation d’un fonds de commerce sous une enseigne concurrente du Franchiseur dans la même rue, à quelques numéros de distance.
Le Franchiseur a saisi le juge des référés aux fins de faire cesser le trouble manifestement illicite que constitue la violation par le Franchisé de la clause de non-concurrence post-contractuelle figurant dans le contrat de location-gérance. Le Franchiseur a demandé au juge d’enjoindre le Franchisé de cesser tous les travaux d’aménagements de son fonds de commerce sous l’enseigne concurrente, et qu’il lui soit fait interdiction de l'ouvrir sous cette enseigne concurrente.
En défense, le Franchisé a soutenu que la clause de non-concurrence post-contractuelle est illicite, de sorte que le Franchiseur devait être débouté de ses demandes.
Par ordonnance du 28 juin 2022, le juge des référés a fait droit aux demandes du Franchiseur et fait interdiction au Franchisé d’ouvrir son exploitation sous l’enseigne concurrente jusqu’à ce que le juge du fond qui doit être saisi par le Franchiseur ait tranché le litige opposant les parties sur une action en concurrence déloyale.
Par arrêt du 5 octobre 2022, la Cour d’appel de Nancy a infirmé l’ordonnance de référé et débouté le Franchiseur de l’ensemble de ses demandes en jugeant que la licéité de la clause de non-concurrence invoquée par le franchiseur n'était pas établie avec l'évidence requise en référé.
La Cour d’appel a ainsi rappelé qu’en application de l’article L 341-2 du code de commerce, les clauses de non-concurrence post-contractuelles ne sont valables que si, tout à la fois, elles concernent des biens et des services en concurrence avec ceux qui font l’objet du contrat ; sont indispensables à la protection du savoir-faire du franchiseur et sont limitées aux terrains et locaux à partir duquel s’est effectuée l’exploitation ainsi qu’à une durée d’un an après la fin du contrat.
Or, la clause de non-concurrence post-contractuelle litigieuse est d’une durée de 5 ans après la fin du contrat, dans un rayon de 5 kilomètres à vol d’oiseau en zone urbaine et 15 kilomètres en zone rurale.
Selon la Cour d’appel de Nancy, la clause de litigieuse ne remplit donc pas les conditions de validité de l’article L 341-2 du code de commerce, de sorte que le juge des référés ne pouvait ordonner des mesures sur le fondement de cette clause.
Saisie par le Franchiseur, la Cour de cassation a confirmé l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Nancy.
La Haute juridiction a estimé que la Cour d’appel a justement déduit, sans excéder ses pouvoirs, que la licéité de cette clause de non-concurrence post-contractuelle n'était pas établie avec l'évidence requise en référé au regard des dispositions de l’article L 341-2 du code de commerce, de sorte que le franchiseur ne démontrait l'existence ni d'un dommage imminent ni d'un trouble manifestement illicite qu'il convenait de faire cesser.
L’arrêt commenté ne fait que reprendre la position de la jurisprudence en la matière. Il n’appartient pas au juge des référés de se prononcer sur la validité de la clause de non-concurrence post-contractuelle, seuls les juges du fond étant compétents pour statuer sur la nullité de ladite clause (CA Paris, Pôle 1 chambre 2, 16 novembre 2017, n°16/16213). Le juge des référés est compétent pour faire respecter une clause de non-concurrence post-contractuelle d’un contrat de franchise dès lors que la clause de non-concurrence post-contractuelle ne lui apparait pas manifestement illicite (; CA Paris, Pôle 1 chambre 2, 16 novembre 2017, n°16/16213 : soulignant qu’« aucune disproportionnalité manifeste ne peut donc faire obstacle en référé au jeu de la clause ») ainsi pour échapper à la compétence du juge des référés, l’illicéité de la clause litigieuse doit être caractérisée avec l’évidence requise devant le juge des référés (Cass. civ. 2, 10 janv. 2008, n°07-13.558).
A rapprocher : La clause de non-concurrence post-contractuelle dans les contrats de distribution
Un article rédigé par Claire Saadoun et Martina Harutyunyan, du département Concurrence, Distribution, Consommation