Clause attributive de juridiction conclue entre deux commerçants : l’affactureur subrogé dans les droits de l’une des parties au contrat y est soumis

Clause attributive de juridiction conclue entre deux commerçants : l’affactureur subrogé dans les droits de l’une des parties au contrat y est soumis

Cour de cassation, Chambre commerciale, 3 juillet 2024, 23-11.414

 

Ce qu’'il faut retenir :

La clause attributive de compétence régulièrement insérée dans un contrat conclu entre deux commerçants fait partie intégrante de l’économie de la convention et est opposable à l’affactureur subrogé dans les droits de l’une des parties audit contrat.

 

Pour approfondir :

En l’espèce, par jugements des 4 mai 2009 et 19 avril 2010, le tribunal de commerce de Mont-de-Marsan a prononcé le redressement judiciaire, puis la liquidation judiciaire d’une société. Un liquidateur a alors été désigné.

 

Durant la période d’observation du redressement judiciaire, la société redressée a vendu plusieurs produits d’ameublement à une autre société commerçante (ci-après « l’acheteur »). Le contrat liant les deux parties contenait une clause attributive de compétence au profit du Tribunal de commerce de Paris.

 

La société objet du redressement et de la liquidation judiciaire (ci-après « le subrogeant ») avait conclu en 2005 un contrat d’affacturage avec un établissement financier (ci-après « l’affactureur »). L’affactureur soutenait alors être titulaire des créances résultant des ventes de produits d’ameublement, intervenues durant la période d’observation du redressement judiciaire, à l’encontre de l’acheteur.

 

L’affactureur a alors assigné l’acheteur devant le Tribunal de commerce de Mont-de-Marsan au paiement de la somme de 1.093.902,91 euros, ainsi que le liquidateur afin que la condamnation de l’acheteur lui soit opposable.

 

L’acheteur a opposé l’exception d’incompétence du Tribunal de commerce de Mont-de-Marsan au profit du Tribunal de commerce de Paris, ou subsidiairement, du Tribunal de commerce de Meaux.

 

Le Tribunal de commerce de Mont-de-Marsan, ainsi que la Cour d’appel de Pau, par arrêt du 29 novembre 2022, ont rejeté l’exception d’incompétence soulevée par l’acheteur.

 

L’acheteur se pourvoi alors en cassation pour violation des articles R. 662-3 du Code de commerce, 48 du Code de procédure civile et l’ancien article 1250, 1°, du Code civil.

 

L’article R.662-3 du Code de commerce dispose que « Sans préjudice des pouvoirs attribués en premier ressort au juge-commissaire, le tribunal saisi d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire connaît de tout ce qui concerne la sauvegarde, le redressement et la liquidation judiciaires, l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, la faillite personnelle ou l'interdiction prévue à l'article L. 653-8, à l'exception des actions en responsabilité civile exercées à l'encontre de l'administrateur, du mandataire judiciaire, du commissaire à l'exécution du plan ou du liquidateur qui sont de la compétence du tribunal judiciaire. »

 

L’article 48 du Code de procédure civile dispose « Toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu'elle n'ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu'elle n'ait été spécifiée de façon très apparente dans l'engagement de la partie à qui elle est opposée. »

 

Enfin, l’ancien article 1250, 1°, du Code civil dispose « Cette subrogation est conventionnelle :

1° Lorsque le créancier recevant son paiement d'une tierce personne la subroge dans ses droits, actions, privilèges ou hypothèques contre le débiteur : cette subrogation doit être expresse et faite en même temps que le paiement ; »

 

Ainsi, la question posée à la Cour de cassation était la suivante : est-ce qu’une clause attributive de compétence régulièrement insérée dans un contrat est opposable à l’affactureur subrogé dans les droits de l’une des parties audit contrat ?

 

La Cour répond à cette question par l’affirmative.

Tout d’abord, par le moyen tiré de la violation de l’article R.662-3 du Code de commerce,  l’acheteur soulevait que le litige par lequel un subrogé demande paiement au débiteur n’est pas une action relevant de la liquidation judiciaire au sens de l’article R.662-3 du Code de commerce. Ainsi, le Tribunal de commerce du lieu d’ouverture de la procédure collective serait compétent, dès lors que le subrogeant fait l’objet d’une procédure liquidation judiciaire.

Cependant, la Cour de cassation confirme l’arrêt de la Cour d’appel de Pau sur point, en rappelant que la procédure collective à l’encontre de le subrogeant n’avait pas d’incidence sur la demande en paiement de l’affactureur, dès lors que cette demande n’était pas née de cette procédure, ni soumise à son influence juridique.

En revanche, la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel de Pau pour violation de l’article 48 du Code de procédure civile et l’ancien article 1250, 1° du Code civil.

 

En effet, la Cour d’appel de Pau avait retenu que la clause de compétence régulièrement conclue entre le subrogeant et l’acheteur était inopposable à l’affactureur du fait que ce dernier n’était pas partie au contrat et que son action en paiement découlant de la subrogation serait indépendante du contrat régissant les relations d’affaires entre le subrogeant et l’acheteur.

Or, la Cour de cassation précise qu’une clause attributive de compétence régulièrement insérée dans un contrat conclu entre deux parties commerçantes fait partie de l’économie de la convention.

Dès lors, l’affactureur étant subrogé dans les droits de créances nées de ce contrat était de facto lié par la clause attributive de compétence.

 

Par conséquent, la Cour de cassation a renvoyé l’affaire devant la Cour d’appel de Paris, étant donné que le Tribunal de commerce de Paris était le Tribunal compétent en vertu de la clause attributive de compétence.

 

A rapprocher : Cour de cassation, chambre commerciale, 1 juillet 2020, n° 18-25.522 ; Cour de cassation, chambre commerciale, 9 juin 2022, n° 20-23.509

 

Un article rédigé par Johanne Amable du département Concurrence, Distribution, Consommation