Arbitrage – Réforme du droit français de l’arbitrage
Point au 16 avril 2025
En bref :
Le droit français de l'arbitrage pourrait être réformé, à la suite d’un rapport remis au garde des Sceaux le 20 mars 2025, proposant notamment la création d'un Code de l'arbitrage.
Le rapport, dirigé par François Ancel (conseiller à la Cour de cassation) et Thomas Clay (professeur à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et arbitre), ont formulé 40 propositions pour réformer le droit français de l’arbitrage.
Contexte :
Le 12 novembre 2024, le ministre de la Justice, Monsieur Didier Migaud, a mis en place un groupe de travail pour moderniser le droit français de l’arbitrage.
A peine 4 mois après son coup d’envoi, le groupe a remis son rapport.
Selon le groupe de travail il ne fallait pas simplement « consolider des acquis jurisprudentiels ayant émergé entre 2011 et 2025. Il fallait aussi inscrire ses travaux dans une perspective », afin de « renforcer le droit français de l’arbitrage pour les prochaines années ».
Voici un bref aperçu des propositions soumises par ce groupe de travail :
- Un Code de l’arbitrage
Le groupe de travail sur l’arbitrage propose de regrouper l’ensemble des textes de valeur législative et réglementaire dans un code autonome intitulé « Code de l’arbitrage ».
Actuellement, les dispositions relatives à l’arbitrage se trouvent dans une vingtaine de codes différents, pour l’essentiel, dans le Code de procédure civile, aux articles 1442 à 1527.
Ce Code de l’arbitrage est proposé « clé en main » à la Chancellerie, en ce qu’il est présenté dans le corps même de ce rapport.
La première version dudit Code est composée de 146 articles.
Selon ce groupe de travail, la codification :
- a un intérêt pédagogique, puisqu’une telle présentation est « de nature à renforcer la cohérence et la lisibilité du droit de l’arbitrage »,
- est un outil de rayonnement du droit français de l’arbitrage,
- est de nature à contribuer à l’autonomisation du droit français de l’arbitrage.
- Principes directeurs du droit français de l’arbitrage
Partant du constat que le droit français de l’arbitrage ne prévoit aucun « principe directeur », au moins de manière formelle (cf. le rapport) une autre proposition consiste à consacrer des principes directeurs du droit français de l’arbitrage.
On en dénombre 19.
Certains principes directeurs véhiculent des valeurs fondamentales :
- l'indépendance et l'impartialité du tribunal arbitral (art. 6),
- le respect de la contradiction et de l'égalité des parties (art. 11).
D'autres sont des principes qui, sans constituer des valeurs fondamentales, irriguent le droit de l'arbitrage :
- bonne foi (art. 4),
- effet utile (art. 5),
- confidentialité (art. 12)
- proportionnalité (art. 14).
Le rapport constate que l’objectif, s’agissant par exemple du principe d’indépendance et d’impartialité, est d’en faire un marqueur du droit français de l’arbitrage, et ce, tout au long de la procédure arbitrale. En effet, pour mémoire, tous les droits et notamment le droit anglais, ne comportent de mention relative à un devoir d’indépendance.
- Rôle du juge d’appui
Le groupe de travail souhaite accroitre le rôle du juge d’appui.En effet, ce texte, donne donc une nouvelle dimension au juge d’appui qui, dans ce rapport, se voit notamment confier la mission de :
- veiller à prévenir le déni de justice (art. 16)
- veiller au respect de l’égalité et de la volonté des parties (art.15)
- être un recours en cas d’impécuniosité d’une des parties(art.33)
- être compétent pour conférer l’exécution d’une mesure conservatoire ou provisoire prononcée par le tribunal arbitral (art. 41).
Cette liste non exhaustive de nouvelles missions confiées au juge d’appui, vise à en faire, une véritable juridiction d’appui.
Pour mémoire :
Paris constitue l’une des premières places internationales de l’arbitrage.
D’ailleurs, le siège de la Cour Internationale d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale est situé à Paris.
Les statistiques de la Cour d’arbitrage de la CCI :
En 2024, selon les statistiques préliminaires de la CCI (Chambre de commerce international ou en anglais, ICC – International Chamber Court) l’arbitrage CCI a enregistré 831 affaires.
S’agissant des montants en litige dans les nouvelles affaires, ces derniers ont fortement varié, allant de moins de 10 000 dollars américains à 53 milliards de dollars, pour un montant cumulé (total cumulé des nouveaux dossiers) de 103 milliards de dollars.
Concernant les affaires en cours, la moyenne par affaire s’élève à 211 millions de dollars.
Concernant le choix du siège de l’arbitrage, en 2024, les tribunaux arbitraux de la CCI ont siégé dans 107 villes réparties dans 62 pays ou territoires indépendants, couvrant l’ensemble des continents.
Les dix juridictions les plus fréquemment choisies comme sièges d’arbitrage étaient : le Royaume-Uni (96 affaires), la France (91), la Suisse (83), les États-Unis (72), les Émirats arabes unis (38), l’Espagne (33), le Brésil et le Mexique (30 affaires chacun), Singapour (28) et l’Allemagne (20).
Droit comparé :
Le 24 février 2025, le Royaume Uni a adopté un nouvel Arbitration Act : « l’Arbitration Act 2025 ».
Le Arbitration Act de 2025, a notamment intégré le droit applicable aux conventions d’arbitrage, lorsque les parties n'ont pas expressément spécifié le droit applicable à leur convention d'arbitrage. Désormais, à défaut de choix par les parties, le droit applicable à la convention d'arbitrage sera celui du siège.
Dans l'ensemble, cette réforme contribue à améliorer la clarté et l’efficacité de l’arbitrage, mais semble toutefois bien moins audacieuse que celle présentée par le groupe de travail français, le 20 mars dernier.
Et après :
Lors de la Paris Arbitration Week (PAW) le 8 avril 2025, le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, a présenté les orientations envisagées pour moderniser le droit français de l’arbitrage, à la lumière des propositions soumises par le groupe de travail (le 20 mars 2025).
La première étape de cette réforme interviendra à l’automne 2025, avec la mise en œuvre d’un « bloc de consensus ». Celui-ci reposera sur une série de mesures réglementaires visant à clarifier les notions clés, à assouplir les règles procédurales, à renforcer l’efficacité des mécanismes existants et à garantir une meilleure protection des parties.
Les acteurs du secteur seront pleinement associés à cette phase de concertation.
Dans un second temps, un « cycle de consensus » réunira, dès les semaines suivantes, l’ensemble des parties prenantes – barreaux, juridictions, universités et fédérations – pour examiner les points sensibles, débattre des orientations à retenir et identifier des compromis acceptables. Ces échanges alimenteront un processus de réforme plus large, dont les mesures seront reprises au Parlement et par voie réglementaire au printemps 2026.
Enfin, l’automne 2026 devrait marquer l’aboutissement de cette dynamique avec la création d’un Code de l’arbitrage. Ce nouveau texte offrira une présentation cohérente, lisible et unifiée de l’ensemble des règles applicables, renforçant ainsi la clarté et l’attractivité du droit français en la matière.
Pour aller plus loin :
- Les Rapport et les propositions de réforme (26/03/25)
- Articles publiés dans les Echos : 31 mars 2025 ; 03 avril 2025
- Statistiques préliminaires de la ICC (2024 publiées le 12 février 2025)
- Arbitration Act 2025
- Gazette du Palais (09/04/2025)
Un article rédigé par Cristelle Albaric, du département International