Annulation de l'article 750-1 du Code procédure civile et application sur les instances en cours

Annulation de l'article 750-1 du Code procédure civile et application sur les instances en cours

Civ. 2e, 6 février. 2025, n° 22-20.070, Publié au bulletin

 

 

Ce qu’il faut retenir :

L'annulation de l'article 750-1 du Code de procédure civile, dans sa version issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, par le Conseil d'État (CE, chambres réunies, 22 septembre 2022, n° 436939) a un effet rétroactif.
Par conséquent, l'obligation de tentative préalable de conciliation ne s'applique pas aux instances en cours.

Pour approfondir :

La loi n°2019-222 du 23 mars 2019, visant notamment à promouvoir les modes de résolution amiables des différends, a instauré une tentative de conciliation obligatoire avant toute saisine du juge, sauf motif légitime, pour certains litiges, notamment ceux dont l’enjeu financier était inférieur à 5.000 euros.

Saisi d’un contrôle préalable de constitutionnalité, le Conseil d’Etat a initialement validé cet article sous réserve de la définition, par le pouvoir réglementaire, de la notion de « motif légitime ».

Le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 a ainsi institué l'article 750-1 du Code de procédure civile, qui est entré en vigueur le 1er janvier 2020.

Cet article a toutefois été annulé par le Conseil d’État, dans sa décision du 22 septembre 2022, en raison de l'imprécision des modalités et des délais relatifs à l'indisponibilité des conciliateurs de justice.

L’annulation de l’article 750-1 du Code de procédure civile dans sa version initiale, a fait l’objet d’une modulation dans le temps, de sorte que ses effets n’étaient pas rétroactifs pour les décisions déjà rendues.

Par décret du 13 mai 2023, en vigueur le même jour et applicable à partir du 1er octobre 2023, l'article 750-1 a été réintroduit, le pouvoir réglementaire ayant précisé la notion de "motif légitime" et ses modalités d'application.

L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 6 février 2025 répond au vide juridique créé par l’annulation de l’ancien article 750-1, dans l’intervalle qui s’étendait entre cette annulation, prononcée par le Conseil d’État le 22 septembre 2022, et l’entrée en vigueur de la nouvelle version du texte le 13 mai 2023. La Haute Cour précise que, pour les instances en cours, l’article 750-1 est réputé n’avoir jamais existé, permettant ainsi de clarifier les conséquences de cette période transitoire.

En l’espèce, le Tribunal judiciaire d’Ajaccio avait déclaré une demande en paiement, inférieure à 5.000 euros, irrecevable en raison de l’absence de tentative de conciliation préalable.

Bien que le jugement ait été rendu sous l’empire de l’article 750-1 dans sa version du décret de 2019, la Cour de cassation, en raison de l’annulation rétroactive de cet article par le Conseil d’État, a jugé que ce texte n’était pas applicable au litige en cause. Cette décision confirme la règle selon laquelle, même pour les instances en cours, l’article 750-1 du Code de procédure civile ne s’applique pas en raison de son annulation rétroactive.

Cette solution n’est pas étonnante dans la mesure où la Cour de cassation s’était déjà prononcée en ses termes, par un arrêt du 13 juin 2024 (RG n°22-21.597). En effet, la troisième chambre civile avait déjà jugé que « l’article 750-1 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue de l’article 4 du décret n°2019-1933 du 11 décembre 2019, a été annulé par le Conseil d’Etat qui a décidé de déroger au principe de l’effet rétroactif des annulations contentieuses en sorte que les effets produits par ce texte sont définitifs sous réserve des actions engagées à la date de la décision […]. Le jugement du 4 juillet 2022 ayant été frappé de pourvoi le 21 septembre 2022 par les locataires et les cautions, une instance était engagée à la date de la décision du Conseil d’Etat. L’instance étant, dès lors, atteinte par l’effet rétroactif de l’annulation, l’article 750-1 du code de procédure civile prescrivant un préalable obligation de conciliation ne lui est applicable ».

L’arrêt du 6 février 2025, clarifie donc l’applicabilité dans le temps de l'article 750-1 du Code de procédure civile.

À rapprocher : Article 750-1 du Code de procédure civile

 

 

Un article rédigé par Marine Buirette du département Contentieux & Arbitrage