Admission de nouvelles exceptions au principe de l’absence de préjudice nécessaire

Admission de nouvelles exceptions au principe de l’absence de préjudice nécessaire

Cass. soc., 4 sept. 2024, n°23-15.944, n°22-16.129, n°22-23.648

 

Ce qu’il faut retenir :

La Cour de cassation vient de rendre deux décisions, qui alimentent sa jurisprudence relative au « préjudice nécessaire », entraînant une réparation automatique dès lors qu'un manquement de l'employeur est constaté. Aux termes de deux arrêts publiés le 4 septembre 2024, la Haute juridiction consacre ainsi trois nouvelles situations de « préjudice nécessaire » : le non-respect du temps de pause quotidien et le défaut de suspension des prestations de travail pendant un arrêt maladie ou un congé maternité.

 

Pour approfondir :

Rappelons que depuis 2016 (Cass. soc., 13 avr. 2016, n°14-28.293), la Cour de cassation a abandonné sa position relative au « préjudice nécessaire », qui permettait au salarié d’être systématiquement indemnisé en raison de certains manquements de l'employeur. Depuis ce revirement, les salariés doivent, pour obtenir des dommages et intérêts, prouver l'existence et l'étendue de leur préjudice dont évaluation relève du pouvoir souverain des juges du fond, selon le droit commun de la responsabilité civile.

 

Cependant, depuis cette date, la Haute juridiction a assoupli ce principe, en admettant des exceptions dans différentes situations. Le 4 septembre dernier, la Cour – au visa du droit européen -a étendu encore la liste de ces exceptions en reconnaissant certains manquements comme causant nécessairement un préjudice et ouvrant droit à une réparation automatique :

  • - Non-respect du temps de pause quotidien : le travail continu au-delà de six heures sans respecter la pause légale de 20 minutes, cause un préjudice, conformément à l'article 4 de la directive 2003/88/CE de l'UE.

 

En l’espèce, il était reproché à l’employeur d’avoir fait travailler une salariée pendant 10 heures sans pause.

  • - Travail pendant un arrêt maladie : l'employeur qui fait travailler un salarié pendant son arrêt maladie lui cause un préjudice, sur le fondement des articles 5 et 6 de la directive 89/391/CEE.

En l’espèce, il était reproché à l’employeur d’avoir fait intervenir une salariée à trois reprises pour effectuer une tâche ponctuelle, pendant son arrêt de travail.

  • - Travail durant un congé maternité : l’absence de suspension de travail pendant le congé maternité est également considérée comme un préjudice, selon l'article 8 de la directive 92/85/CEE, qui prévoit une période minimale de 14 semaines continues de congé maternité.

 

En l’espèce, il était reproché à l’employeur d’avoir demandé à une salariée de venir travailler pendant son congé maternité.

Pour ces manquements, les salariés n'ont donc pas besoin de démontrer leur préjudice, qui est présumé, afin d’en obtenir réparation.

En revanche, la Cour a décidé que tel n’est pas le cas de l'absence de suivi médical ou de visite de reprise après un congé maternité ou un classement en invalidité en deuxième catégorie, dans lesquels les salariés doivent encore démontrer l'existence d'un préjudice spécifique pour obtenir une indemnisation.

 

A rapprocher : Cass. soc., 13 avr. 2016, n°14-28.293

 

Un article rédigé par Annaël Bashan, du département droit Social