Actes préparatoires à l’exercice d’une activité concurrente pendant l’exécution du contrat de franchise : absence de violation de la clause de non- concurrence
Cass. com., 19 mars 2025, n°23-22.925
Ce qu'il faut retenir :
La Cour de cassation rappelle que le franchisé peut accomplir pendant le contrat, des actes préparatoires à une activité concurrente de celle de son franchiseur sans pour autant violer la clause de non-concurrence stipulée dans son contrat, ni manquer à ses obligations de loyauté et de bonne foi contractuelle, dès lors que l’activité concurrente ne débute effectivement qu’après l’expiration du contrat de franchise et de son engagement de non concurrence.
Pour approfondir :
En l’espèce, un contrat de franchise conclu en décembre 2015 pour une durée de sept années permettait au franchisé d’exploiter un centre d’assistance à domicile destiné aux personnes âgées et/ou en situation de handicap. Ce contrat comportait une clause dite « fidélité – non-affiliation » interdisant au franchisé d’exercer, directement ou indirectement, une activité concurrente en dehors du réseau et pendant toute la durée du contrat, notamment dans le domaine de l’aide à domicile pour les publics fragilisés.
Au printemps 2019, alors que le contrat de franchisé était toujours en vigueur, le franchisé a accompli plusieurs actes préparatoires à l’exercice d’une future activité concurrente : création de sociétés, dépôts de marques et communication auprès des clients d’un nouveau projet entrepreneurial dans le même secteur d’activité.
Le 14 février 2020, le franchiseur a notifié la résiliation immédiate du contrat de franchise pour fautes graves du franchisé en invoquant la violation des obligations de non-concurrence, de loyauté et de bonne foi contractuelle.
Le franchiseur a ensuite assigné le franchisé afin de voir constater la résiliation du contrat de franchise à ses torts exclusifs et sollicité la réparation des préjudices subis au titre de la résiliation anticipée du contrat de franchise et de la violation des obligations contractuelles.
Par jugement du 9 juin 2021, le Tribunal de commerce de Paris a fait droit aux demandes du franchiseur.
Le représentant de la société franchisée ainsi que la société venant aux droits de cette dernière ont interjeté appel de ce jugement.
La Cour d’appel de Paris dans son arrêt rendu le 13 septembre 2023 (RG n°21/14865) a partiellement infirmé le jugement. Les juges du fond ont notamment débouté le franchiseur de ses demandes indemnitaires liées à la résiliation anticipée du contrat de franchise et au préjudice moral pour déloyauté et violation de la clause de non-concurrence. Les juges du fond ont estimé qu’en l’absence de preuve d’une activité concurrente effective au moment de la résiliation du contrat de franchise, aucune violation contractuelle ne pouvait être retenue à l’encontre du franchisé. En effet, aucune pièce versée aux débats ne permettait de démontrer que le franchisé exerçait effectivement une activité concurrente au moment de la notification de la résiliation du contrat de franchise par le franchiseur.
Le franchiseur s’est pourvu en cassation, soutenant que la seule existence d’actes préparatoires attestant de la réalisation prochaine d’un projet concurrent suffisait pour démontrer la violation des obligations de non-concurrence, de loyauté et de bonne foi contractuelle auxquelles étaient tenues le franchisé pendant l’exécution de son contrat de franchise.
Par un arrêt en date du 19 mars 2025, la Cour de cassation vient confirmer la position de la Cour d’appel de Paris et énonce que : « le franchisé peut, sans violer, la clause de non-concurrence stipulée au contrat de franchise ni les obligations de loyauté et de bonne foi contractuelles, accomplir des actes préparatoires à une activité concurrente de celle du franchiseur, à condition que cette activité ne débute effectivement qu’après l’expiration du contrat de franchise et de son engagement de non-concurrence ».
Ainsi, la Haute juridiction vient distinguer les actes préparatoires à une activité concurrente d’une concurrence effective. Ces actes préparatoires, bien que traduisant un projet avancé, ne seraient pas fautifs en eux-mêmes et ne pourraient justifier la résiliation du contrat de franchise aux torts du franchisé.
Par cette décision, la Cour de cassation impose une exigence probatoire claire : la violation d’une clause de non-concurrence ne peut être retenue qu’à la condition de démontrer l’existence d’une concurrence effective.
À défaut, la résiliation fondée sur de simples actes préparatoires à une activité concurrente sera considérée comme fautive, aux risques et périls du franchiseur ...
À rapprocher :
Cass.com., 14 novembre 2018, n°17-19.851.
Un article rédigé par Claire SICARD du département Concurrence, Distribution, Consommation