La clause déterminant la loi applicable au contrat ne s’applique pas au sous-acquéreur
Cour de cassation, chambre civile 1, 28 mai 2025, n°23-20.341
Ce qu'il faut retenir :
La loi applicable pour l’action directe du sous-acquéreur contre le fabricant de la chose vendue doit être déterminée en application du Règlement européen n°864/2007 (ci-après « Règlement Rome II »).
Par conséquent, une stipulation contractuelle déterminant la loi applicable au contrat initial conclu entre le fabricant et le premier acquéreur n’est pas applicable au sous-acquéreur.
Pour mémoire :
En droit de l’Union européenne, le Règlement n°864/2007 du 11 juillet 2007 (ci-après « Règlement Rome II ») régit les conflits de loi en matière d’obligation non- contractuelle.
Ce règlement est applicable sur le territoire de l’Union européenne en matière civile et commerciale.
Quant aux conflits de juridictions ils sont régis par le Règlement (UE) n°2015/2012 (dit Règlement Bruxelles I bis).
Pour approfondir :
Par contrat du 19 avril 2013, une société française avait confié à une autre société française (ci-après « l’acquéreur ») la conception et la construction d’une centrale photovoltaïque au Portugal.
Par la suite, le 31 mai 2013, ce contrat a été cédé à une société portugaise (ci-après « le sous-acquéreur »).
L’acquéreur avait acquis les panneaux photovoltaïques auprès d’une société de droit allemand (ci-après « le fabricant »), selon un contrat comportant une clause d’attribution de juridiction au bénéfice de Leipzig, ainsi qu’une clause de choix de la loi au bénéfice de la loi allemande.
Le 22 février 2018, le sous-acquéreur a assigné l’acquéreur et le fabricant en résolution de la vente conclue par contrat du 31 mai 2013 et de la vente conclue entre l’acquéreur et la société de droit allemand, en raison de défauts de fabrication des panneaux et d’insuffisance de performances de la centrale.
Le fabricant invoquait une exception d’incompétence en faveur des juridictions allemandes.
Concernant tout d’abord la juridiction compétente, par un arrêt du 28 mai 2025, la Cour de cassation a rappelé sa jurisprudence constante selon laquelle une clause attributive de juridiction, au sens de l’article 25 du Règlement Bruxelles I bis, prime sur les juridictions qui seraient compétentes au sens de l’article 8 du Règlement Bruxelles I bis.
Ainsi, la Cour de cassation a constaté que le devis signé entre l’acquéreur et le fabricant faisait explicitement référence aux conditions générales de vente, qui comportaient la clause attributive de juridiction au profit de Leipzig.
La Cour de cassation constate également que les demandes formulées par le sous-acquéreur à l’encontre du fabricant sont connexes aux demandes formulées par l’acquéreur à l’encontre du fabricant. Ainsi, la Cour de cassation valide le raisonnement de la Cour d’appel qui avait jugé que la demande incidente ou la demande en garantie ne permettait pas de fonder la compétence des juridictions françaises, lorsqu’il existe une clause attributive de juridiction.
Ainsi, le fait que (i) l’acquéreur formule également des demandes à l’encontre du fabricant, et (ii) qu’elles soient connexes à celles formulées par le sous-acquéreur justifient la compétence des juridictions allemandes.
Toutefois, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel concernant la loi applicable.
En effet, la Cour de cassation a rappelé que la Cour de justice de l’Union européenne a déduit une exigence de cohérence dans l’application des règlements Bruxelles I bis et Rome II.
Après avoir rappelé qu’en droit de l’Union européenne, l’action du sous-acquéreur d’une marchandise, acquise auprès d’un vendeur intermédiaire, contre le fabricant à dessein d’obtenir la réparation du préjudice résultant de la non-conformité de la chose vendue est délictuelle (CJCE, arrêt du 17 juin 1992, Handte / TMCS,C-26/91, point 16 et dispositif).
Dès lors que le droit de l’Union européenne considère qu’il n’existe pas de lien contractuel entre le sous-acquéreur et le fabricant, le tribunal compétent et la loi choisis dans le contrat conclu entre l’acquéreur et le fabricant ne lient pas le sous-acquéreur.
Dans le cas présent et contrairement à ce qu’avait jugé la Cour d’appel, la loi allemande qui avait été choisie par l’acquéreur et la société de droit allemand ne peut donc être applicable au litige entre le sous-acquéreur et ladite société de droit allemand, dès lors qu’il n’existe pas de lien contractuel entre eux.
A rapprocher :
Un article rédigé par Johanne Amable du département Distribution, Concurrence, Consommation