Responsabilité des dirigeants de SAS pour insuffisance d’actif et faillite personnelle : seul le représentant permanent de la personne morale dirigeante est dirigeant de droit au sens de l’article L.651-2 du code de commerce.
Cass. Com. 20 novembre 2024, n°23-17.842
Ce qu'il faut retenir :
« Lorsqu'une société par actions simplifiées est dirigée par une personne morale qui a désigné un représentant permanent conformément aux statuts de cette société, la personne physique dirigeant cette personne morale ne peut voir sa responsabilité pour insuffisance d'actif engagée si elle n'a pas également la qualité de représentant permanent. »
Pour approfondir :
Une société par actions simplifiées (SAS), dirigée par une société personne morale, elle-même présidée par un dirigeant personne physique, est placée en redressement judiciaire puis, en liquidation judiciaire.
Saisi par le liquidateur, le tribunal de commerce prononce une mesure de faillite personnelle et une condamnation à l’insuffisance d'actif à l’encontre du dirigeant personne physique de la personne morale dirigeante de la SAS.
La cour d'appel (CA Lyon, 27 avril 2023, n° 21/07129) ayant confirmé cette décision, le dirigeant forme un pourvoi en cassation. La chambre commerciale censure les Juges d’appel au visa des articles L. 651-1 du code de commerce.
Applicable « aux personnes physiques représentants permanents [des] dirigeants personnes morales », le dispositif de sanction du Livre VI de code de commerce ne saurait consacrer la qualification de dirigeant de droit au sens de l’article L. 651-2 du code de commerce au dirigeant personne physique de la personne morale elle-même dirigeante, lorsque cette dernière a désigné un représentant permanent : « lorsqu'une société par actions simplifiées est dirigée par une personne morale qui a désigné un représentant permanent conformément aux statuts de cette société, la personne physique dirigeant cette personne morale ne peut voir sa responsabilité pour insuffisance d'actif engagée si elle n'a pas également la qualité de représentant permanent ».
Pour condamner le dirigeant à supporter une partie de l’insuffisance d’actif, l’arrêt relève que les dispositions de l'article L. 225-20 du Code de commerce ne peuvent s'appliquer à la société débitrice qui est une SAS pour ne s'appliquer qu'aux sociétés anonymes et qu'en application de l'article L. 227-7 du même code, le dirigeant ne peut qu'avoir également la qualité de dirigeant de droit de cette dernière.
La Haute juridiction confirme, tout en la précisant ; sa jurisprudence ; par un arrêt rendu le 13 décembre 2023, la chambre commerciale énonçait déjà qu'« il résulte de la combinaison des articles L. 227-7, L. 651-1 et L. 651-2 du code de commerce que, lorsque la personne morale mise en liquidation judiciaire est une société par actions simplifiée (SAS) dirigée par une personne morale, la responsabilité pour insuffisance d'actif, prévue par le troisième texte précité, est encourue non seulement par cette personne morale, dirigeant de droit, mais aussi par le représentant légal de cette dernière, en l'absence d'obligation légale ou statutaire de désigner un représentant permanent de la personne morale dirigeant au sein d'une SAS » (Com. 13 déc. 2023, n° 21-14.579 P, Dalloz actualité, 12 janv. 2024, obs. T. Duchesne ; D. 2023. 2237).
Il en résulte que la qualification de dirigeant de droit s’applique au représentant permanent nommé ; c'est donc sur lui que pèsera les risques de fautes de gestion, et partant de responsabilité pour insuffisance d’actif. En revanche, lorsqu'aucun représentant permanent n'aura été nommé ou qu’aucune disposition n'aura été prévue par les statuts, c'est le dirigeant personne physique de la personne morale dirigeante qui pourra voir sa responsabilité engagée pour insuffisance d'actif.
Cet arrêt ne saurait cependant s’interpréter largement comme une exemption de responsabilité du dirigeant personne physique de la personne morale elle-même dirigeante en présence d’un représentant permanent de celle-ci. Reste que sa responsabilité pourrait s’envisager sur le fondement de la direction de fait dans le cadre des dispositions légales du livre VI du code de commerce, tout autant que sous l’angle de la responsabilité civile de droit commun.
A rapprocher :
Articles L. 651-1, L. 651-2, L. 225-20, L. 227-7 du code de commerce, Cass. com., 13 décembre 2023, n° 21-14.579, Cass. com., 18 mai 2022, n° 19-25.606., Cass. com., 19 janvier 2022, n° 20-14.089, Cass. com., 18 mai 2022, n° 20-22.245
Article rédigé par Kristell Quelennec, Clémentine Leroy Bourgeois et David Bernasconi du département Entreprises en difficulté
Extrait de La Lettre du Restructuring de Décembre 2024