Application de l’article 1112-1 du Code civil dans le cadre des réservations de voyage

Application de l’article 1112-1 du Code civil dans le cadre des réservations de voyage

Cass. 1ère civ., 25 septembre 2024, n° 23-10.560, B+L

 

Ce qu’il faut retenir :

La Cour de cassation précise que l’obligation générale précontractuelle d’information de droit commun s’applique en matière de réservation de voyage en complément de l’obligation spéciale précontractuelle d’information prévue par le Code du tourisme.

 

Pour approfondir :

En l’espèce, une société spécialisée dans l’organisation de voyage sur-mesure avait proposé à deux particuliers un projet de voyage à Hawaï pour un départ prévu le 25 janvier 2019, lequel avait été accepté et payé par ces derniers le 9 janvier 2019.

 

Cependant, la demande d’autorisation de voyages aux Etats-Unis (intitulée l’« ESTA ») formulée par ces particuliers a été refusée au motif que l’obtention d’un visa s’avérait nécessaire eu égard à la mention sur leur passeport d’un voyage en Iran.

 

N’ayant pu réaliser leur voyage, faute de disposer d’un temps suffisant pour obtenir un visa, ils assignèrent l’agence de voyage afin d’obtenir réparation de leur préjudice subi.

 

C’est dans ce contexte que la Cour d’appel d’Amiens (dans un arrêt rendu le 17 novembre 2022 n°21/04018) a condamné l’agence de voyage à indemniser lesdits clients au motif que cette dernière avait manqué à son obligation de conseil consistant à informer de tout obstacle juridique pouvant exister pour l’obtention d’une autorisation d’entrée sur le territoire des Etats-Unis.

 

Un pourvoi en cassation a été formé contre l’arrêt rendu par la Cour d’appel d’Amiens par l’agence de voyage.

 

Plus précisément, cette dernière considérait que la Cour d’appel avait méconnu la force obligatoire s’attachant aux conditions générales de vente annexées au contrat d’organisation de voyage conclu selon lesquelles « les clients doivent vérifier que les documents administratifs et sanitaires exigées en vue de l’accomplissement de leur voyage sont en conformité avec les informations fournies par [la société de voyage] ».

 

En outre, elle arguait avoir suffisamment informé les clients des conditions d’entrée sur le territoire des Etats-Unis.

 

Par son arrêt en date du 25 septembre 2024, la Cour de cassation rejeta le pourvoi formé par l’agence de voyage et confirma la solution retenue par la Cour d’appel.

 

Dans cet arrêt, il s’agissait pour la Cour de cassation de déterminer l’articulation entre le champ d’application de l’obligation générale précontractuelle d’information prévue par le Code civil et celui de l’obligation spéciale précontractuelle d’information prévue par le Code du tourisme.

 

Pour mémoire, d’une part, le droit commun des contrats prévoit une obligation générale d’information du cocontractant préalablement à la conclusion d’un contrat (i.e. article 1112-1 du Code civil issu de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 « Celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. […] Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties. »).

 

D’autre part, les agences de voyage sont soumises au respect d’une obligation spéciale d’information consistant en la communication d’un certain nombre d’informations définies par le Code du tourisme préalablement à la conclusion de tout contrat avec un client voyageur (i.e. article L.211-8 et article R.211-4 du Code du tourisme).

 

Cela étant exposé, la Cour de cassation est venue tout d’abord rappeler que l’obligation spéciale d’information précontractuelle des agences de voyage est issue de la transposition de la Directive (UE) n° 2015/2302 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyages.

 

En particulier, la Cour de cassation a relevé que, si l’article 4 de la directive (UE) n° 2015/2302 prévoit une harmonisation complète, son article 2 paragraphe 3 dispose qu’elle n’a pas d’incidence sur les dispositions générales du droit des contrats prévues au niveau national.

 

En conséquence, la Cour de cassation a considéré que l’obligation générale d’information précontractuelle du droit commun des contrats se cumule avec l’obligation spéciale d’information précontractuelle du Code du tourisme.

 

A ce titre, si la Cour de cassation a constaté que l’agence de voyage avait satisfait à son obligation spéciale précontractuelle d’information, elle a relevé que cette dernière qui « connaissait les restrictions à l’entrée sur le sol américain » avait manqué à son obligation générale précontractuelle d’information dès lors qu’elle aurait dû informer les clients des risques de ne pas obtenir les documents administratifs permettant d’entrer sur le territoire des Etats-Unis en raison de la date rapprochée du départ envisagé, ce qui constituait une information dont l’importance était déterminante du consentement des clients.

 

A rapprocher : Cass. 1ère civ., 20 déc. 2023, n° 22-18.928