Tribunal des activités économiques : un nouveau souffle pour la justice commerciale ?
Arrêté du 5 juillet 2024 relatif à l’expérimentation du tribunal des activités économiques
Ce qu’il faut retenir :
L’arrêté du 5 juillet 2024 vient apporter des précisions relativement à la mise en œuvre de l’expérimentation du tribunal des activités économiques (TAE). L’arrêté précise notamment les sièges et ressorts de ces tribunaux d’exception qui seront compétents en matière de procédures collectives, à l’exception des professions juridiques, pendant la période d’expérimentation qui courra à compter du 1er janvier 2024, et pour une durée de 4 ans. Au nombre de douze, ces tribunaux d’expérimentation font réagir en raison de leur nombre et leur répartition géographique.
Pour approfondir :
Le 20 novembre 2023, le ministère de la Justice a révélé son orientation et sa programmation pour la période 2023-2027 par la loi n° 2023-1059. Son article 26 prévoit l’expérimentation d’un nouveau tribunal d’exception au tribunal judiciaire : le tribunal des activités économiques. Ce dernier dispose également des missions du TAE.
- - Les missions du tribunal des activités économiques :
Le tribunal des activités économiques sera compétent pour des procédures d’alertes, amiables et collectives pour les entreprises en difficulté de tous les domaines, à l'exclusion des personnes exerçant des professions juridiques règlementées. Ces tribunaux traiteront également des affaires relatives aux baux commerciaux démontrant un lien de connexité suffisant avec la procédure collective. Les TAE seront compétents pour la désignation d’un conciliateur pour les exploitations agricoles en difficulté. Enfin, leur compétence s’étendra aux procédures pour lesquelles certains tribunaux de commerce sont spécialement désignés et qui sont listées à l’article L 721-8 du Code de Commerce.
Ce nouveau tribunal des activités économiques est en pratique envisagé comme une nouvelle sous-juridiction du Tribunal de Commerce.
Jusqu’à maintenant, la compétence matérielle des procédures collectives était répartie entre les Tribunaux Judiciaires et les Tribunaux de Commerce suivant le caractère commercial ou artisanal de l’entité économique concernée. Avec l’expérimentation, les associations, les sociétés civiles et commerciales seront, toutes, en principe dirigées, vers le tribunal des activités économiques, qui siège au Tribunal de Commerce. De ce fait, l’expérimentation aura pour effet d’étendre la compétence matérielle des Tribunaux de Commerce concernés.
L'objectif principal de l'expérimentation est de centraliser, à terme, le contentieux lié aux difficultés des entreprises, quelles que soient leur forme juridique. Et ce, dans l’optique de mieux refléter la diversité des procédures, dans lesquelles débiteurs et créanciers peuvent avoir des statuts juridiques variés.
Devant le TAE, la représentation par avocat sera obligatoire lorsque la demande portera sur un montant, ou l’exécution d’une obligation, dont le montant est inférieur ou égal à 10.000€.
- - Composition du tribunal des activités économiques :
Il sera composé de juges consulaires issus du Tribunal de Commerce, auxquels s’adjoindront des exploitants agricoles. Le greffe de cette nouvelle juridiction d’exception sera rattaché à celui du Tribunal de Commerce.
- - Répartition géographique des tribunaux de l’expérimentation:
L’arrêté du 5 juillet 2024 vient également préciser le siège et le ressort des douze tribunaux tests, à savoir des Tribunaux de Commerce de : Marseille, Le Mans, Limoges, Lyon, Nancy, Avignon (ressort des tribunaux judiciaires d’Avignon et de Carpentras), Auxerre, Paris, Saint-Brieuc, Le Havre, Nanterre et Versailles.
En découle que de nombreuses grandes villes et pôles économiques ne seront pas concernés et ne profiterons pas de l’expérimentation. Parmi eux : Toulouse, Montpellier, Rennes, Bordeaux ou encore Lille, Nantes et bien d’autres.
- - Modalités d’appréciation de l’expérimentation :
Le décret d’application n° 2024-674, du 3 juillet 2024, prévoit quant à lui les modalités d’appréciation de l’expérimentation.
Est prévu à l’article 1er du décret, un « comité de pilotage » formé par quinze professionnels concernés par l’expérimentation. Celui-ci se réunira de façon périodique et veillera à ce que « les parties prenantes soient correctement informées de la mise en œuvre de l'expérimentation ». Il élaborera aussi le questionnaire de satisfaction et le transmettra au « comité d’évaluation » de l’expérimentation.
Le comité d’évaluation sera formé par neuf membres chargés de transmettre au garde des Sceaux un rapport d’évaluation « au-moins huit mois avant le terme de l’expérimentation » conformément à l’article 5 du décret.
Pour ce faire, il mettra en œuvre les prérogatives qui lui ont été confiées à l’article 3 du décret : le comité d’évaluation pourra, entre autres, mandater des études statistiques, académiques et scientifiques, ou encore recueillir l’avis des juges, des parties ou encore des syndicats (avec leur accord) ayant participé à des audiences de tribunaux des activités économiques.
Ce rapport devra, conformément aux dispositions de l’article 4 du décret, définir les moyens nécessaires à la généralisation des TAE, évaluer l’impact de l’expérimentation, envisager ses perspectives etc.
A rapprocher :
Décret du 3 juillet 2024 n° 2024-674 ; Arrêté du 5 juillet 2024 relatif à l’expérimentation du tribunal des activités économiques ; Article 26 de la loi n° 2023-1059 d’orientation et de programmation du ministère de la justice pour 2023-2027 ; L 721-8 du Code de Commerce
Un article rédigé par Marine Buirette et Quentin Pierlot du département Contentieux & Arbitrage