Extension du champ d’application de l’article L. 341-2 du Code de commerce aux activités de services auprès de particuliers

Extension du champ d’application de l’article L. 341-2 du Code de commerce aux activités de services auprès de particuliers

Cass., Com., 5 juin 2024, 23-15.380 23-15.741

 

Ce qu’il faut retenir :
La Cour de cassation étend le champ d’application de l’article L. 341-2 du Code de commerce, posant les conditions de validité des clauses de non-concurrence et non-réaffiliation post-contractuelles, aux activités de services auprès de particuliers telle qu’une activité d’agence immobilière.

 

Pour approfondir :

L’article L. 341-2 du Code de commerce, issu de la loi « Macron » du 6 août 2015, pose les conditions de validité des clauses de non-concurrence et de non-réaffiliation post-contractuelles, à savoir :

  • - elles concernent des biens et services en concurrence avec ceux qui font l'objet du contrat ;
  • - elles sont limitées aux terrains et locaux à partir desquels l'exploitant exerce son activité pendant la durée du contrat ;
  • - elles sont indispensables à la protection du savoir-faire substantiel, spécifique et secret transmis dans le cadre du contrat ;
  • - leur durée n'excède pas un an après l'échéance ou la résiliation du contrat.

 

Le champ d’application de cet article, applicable aux contrats conclus à compter du 6 août 2016, est prévu par renvoi à l’article L. 341-1 du Code de commerce, et concerne « L'ensemble des contrats conclus entre, d'une part, une personne physique ou une personne morale de droit privé regroupant des commerçants, autre que celles mentionnées aux chapitres V et VI du titre II du livre Ier du présent code, ou mettant à disposition les services mentionnés au premier alinéa de l'article L. 330-3 et, d'autre part, toute personne exploitant, pour son compte ou pour le compte d'un tiers, un magasin de commerce de détail, ayant pour but commun l'exploitation de ce magasin et comportant des clauses susceptibles de limiter la liberté d'exercice par cet exploitant de son activité commerciale prévoient une échéance commune » .

 

La jurisprudence considérait classiquement que l’article L. 341-2 du Code de commerce n’avait vocation à s’appliquer qu’en présence d’une relation contractuelle entre une tête de réseau et une personne exploitant une activité de commerce de détail. Néanmoins, aucune définition de l’activité de commerce de détail n’existe actuellement, ce qui a conduit les juges à préciser au fil du temps cette notion.

 

La jurisprudence avait déjà eu l’occasion de considérer que l’article L.341-2 du Code de commerce n’avait pas vocation à s’appliquer au sein de réseaux, notamment de franchise, ayant une activité de prestation de services, et notamment à une agence de travail temporaire, puisque cette activité n’était « manifestement pas susceptible de rentrer dans les prévisions du législateur au titre des commerces de détail qui sont les seuls visés par ce texte » (CA Paris, 5- 4, 27 janvier 2021, n° 19/03581).

 

Une telle solution était au demeurant conforme avec la définition du commerce de détail retenue par l’Autorité de la concurrence, qui précise dans ses lignes directrices :

« La notion de commerce de détail doit être définie par référence aux règles applicables en matière d’équipement commercial. Un magasin de commerce de détail s’entend comme un magasin qui effectue, pour plus de la moitié de son chiffre d’affaires, de la vente de marchandises à des consommateurs pour un usage domestique. Est incluse la vente d’objets d’occasion (brocante, dépôts vente, etc.). Sont traditionnellement assimilés à du commerce de détail, bien que ne constituant pas de la vente de marchandises, un certain nombre de prestations de service à caractère artisanal : pressing, coiffure et esthétique, cordonnerie, photographie, entretien de véhicules et montage de pneus.

 

Sont toujours exclues de la notion de commerce de détail les prestations de service à caractère immatériel ou intellectuel (comme les banques, l’assurance, ou les agences de voyage), ainsi que les établissements de service ou de location de matériel (comme les laveries automatiques, les vidéothèques ou les salles de sport), et les restaurants.

 

Sont également exclues de la notion de commerce de détail les entreprises qui réalisent la totalité de leurs ventes en ligne ou par correspondance, ou encore via des livraisons directes aux consommateurs, le II de l’article L 430-2 précisant que ne sont concernées que les entreprises qui exploitent au moins un magasin. »

 

Dans son arrêt du 5 juin 2024, confirmant l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris (Paris, 5-4, 8 février 2023, n° 20/14328), la Cour de cassation décide d’étendre la notion de commerce de détail, précisant que « la notion de «commerce de détail» au sens des articles L. 341-1 et L. 341-2 du code de commerce, dans leur rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, ne peut être entendue au sens de la seule vente de marchandises à des consommateurs et peut couvrir des activités de services auprès de particuliers, telle une activité dagence immobilière ».

 

La Cour de cassation opère donc un revirement dans sa position précédemment soutenue, considérant désormais que les articles L. 341-1 et L.341-2 du Code de commerce ont vocation à s’appliquer dans le cadre de réseaux ayant une activité de prestations de services.

 

Néanmoins, la Cour de cassation semble cantonner cette solution aux seules activités de services auprès de particuliers.

 

En effet, si la Cour prend le soin de préciser au paragraphe 14 de sa décision que « Le législateur a ainsi poursuivi un objectif d’intérêt général qui ne justifie aucune différence de traitement entre les réseaux, selon qu’ils exercent une activité de vente de marchandises ou une activité de services », elle en déduit, au paragraphe suivant, que « il en résulte que la notion de «commerce de détail» ne peut être entendue au sens de la seule vente de marchandises à des consommateurs et peut couvrir des activités de services auprès de particuliers, telle une activité d’agence immobilière ».

 

La Haute Cour, qui aurait pu se contenter de viser les activités de services de manière générale, a donc pris le soin de restreinte, semble-t-il, la portée de son arrêt aux seules « activités de services aux particuliers ».

Une incertitude demeure dès lors sur l’étendue exacte de cet arrêt, et sur son application à l’ensemble des réseaux ayant une activité de services.

 

À rapprocher : CA Paris, 5- 4, 27 janvier 2021, n° 19/03581

 

Un article rédigé par Clémence Berne, du département Concurrence, Distribution, Consommation