Précision sur l’interruption du délai en présence d’une opposition à une injonction de payer irrégulière

Précision sur l’interruption du délai en présence d’une opposition à une injonction de payer irrégulière

Cass. civ. 2ème 18 janvier 2024, n° 21-23.033

 

Ce qu’il faut retenir :

La Cour de cassation étoffe sa jurisprudence en affirmant qu'une opposition à une injonction de payer, même si elle est irrégulière, interrompt le délai d'opposition. Ainsi, la régularisation de l'opposition est possible jusqu'à ce que le juge statue sur le fond du litige.

 

Pour approfondir :

 En l’espèce, une injonction de payer avait été ordonnée par le Tribunal de Pau à l’encontre d’une société.

Le 14 novembre 2017, une personne physique, se présentant comme un représentant de la société avait formé opposition à cette ordonnance d’injonction de payer, laquelle avait fait l’objet d’une signification régulière.

Néanmoins, le créancier avait contesté la recevabilité de cette opposition devant les juges du fond, faisant valoir que la personne physique ayant formé opposition n’avait reçu le pouvoir de représenter la société que postérieurement à la date de l’opposition formée, soit à compter du 31 décembre 2017, de sorte que l’opposition formée par le débiteur était irrecevable.

Le 27 juillet 2021, la Cour d’appel de Pau avait fait droit à la demande du créancier et avait déclaré l’opposition irrecevable.

C’est dans ce contexte qu’un pourvoi en cassation a été formé.

Par cet arrêt, la Cour de cassation, a censuré les juges du fonds et a jugé recevable l’opposition formée.

Au visa des articles 2241 du code civil, 121, 1412 et 1413 du Code de procédure civile, la Haute juridiction affirme que l’acte d’opposition peut être régularisé jusqu’à ce que le juge statue et, par conséquent, cet acte peut être régularisé après l’expiration du délai d’un mois dont dispose le débiteur pour exercer ce recours.

En l’espèce, la Cour de cassation juge que le défaut de pouvoir d’une personne physique, représentant une personne morale, constitue un simple vice de fond pouvant entraîner la nullité de l’acte d’opposition et aucunement l’irrecevabilité du recours.

Par cette décision, la Cour de cassation rappelle d’abord que l’acte de procédure, même lorsqu’il est affecté d’un vice de fond, interrompt le délai de prescription ou de forclusion. Cette solution n’est pas nouvelle : la Haute Cour s’était déjà prononcée en ce sens (Cass. civ. 3ème, 11 mars 2015, n° 14-15.198).

En revanche, par cette décision, la Cour de cassation apporte une précision nouvelle :  l'acte d'opposition peut être régularisé jusqu'à ce que le juge statue sur le fond de telle sorte que l’opposition peut être régularisée après l'expiration du délai imparti au débiteur pour exercer ce recours.

Afin de parvenir à cette solution, la Cour de cassation a considéré qu’en application de l’article 2241 du code civil, l’acte d’opposition interrompt le délai pour former ce recours, de sorte la régularisation de l’acte d’opposition entaché d’un vice de nullité, est possible jusqu’au jour où le juge se prononce sur le fond).

La Cour de cassation énonce ainsi que « l’opposition à une injonction de payer, même irrégulière, qui saisit le tribunal de la demande initiale du créancier et de l’ensemble du litige, interrompt le délai d’opposition ». Par conséquent, dans la mesure où l’opposition saisit la juridiction de la demande initiale du créancier et de l’entier litige, elle interrompt la prescription.

Pour parvenir à cette décision, la Cour de cassation se livre à une interprétation extensive de l’article 2241 du Code civil, lequel prévoit qu’une demande, même lorsqu’elle est contenue dans un acte de saisine irrégulier, interrompt le délai de prescription ou de forclusion.

Cette interprétation extensive de l’article 2241 n’est pas nouvelle.  En effet, par un arrêt du 16 octobre 2014, la Cour de cassation avait d’ores et déjà affirmé qu’une déclaration d’appel, même irrégulière, est de nature à interrompre le délai d’appel à la condition toutefois que l’appel soit recevable (Cass. civ. 2ème, 16 octobre 2014, n° 13-22.088 ; Cass. civ. 2ème, 28 juin 2018, n° 17-20.073).

La position de la Cour de cassation s’inscrit ainsi dans la continuité de sa jurisprudence et mérite donc d’être saluée dans la mesure où elle opère un équilibre entre les intérêts du créancier et ceux de son débiteur.

 

À rapprocher : Articles 2241 du Code civil, 121, 1412, 1413, 117 et 121 du Code de procédure civile ; Cass. civ. 3ème, 11 mars 2015, n° 14-15.198 ; Cass. civ. 2ème, 16 octobre 2014, n° 13-22.088 ; Cass. civ. 2ème, 28 juin 2018, n° 17-20.073.

 

Un article rédigé par Mariane Domingues, département Contrats, Affaires complexes