Nullité du contrat et restitutions : précisions sur l’office du juge
Cass. Civ. 1ère, 24 janv. 2024, n° 21-20.691, B+L - Cass. Civ. 1ère, 24 janv. 2024, n° 21-20.693, B+L
Ce qu’il faut retenir :
L'annulation d'une vente entraînant de plein droit la remise des parties en l'état où elles se trouvaient antérieurement à sa conclusion, ne méconnaît pas l'objet du litige le juge qui, même à défaut de demande en ce sens, ordonne à l'issue d'une telle annulation la restitution de la chose vendue et celle du prix.
Pour approfondir :
La Cour de cassation s’est prononcée dans deux arrêts du 24 janvier 2024 sur l’office du juge prononçant la nullité d’un contrat. Les deux affaires concernaient des contrats de vente conclus hors établissement pour la fourniture et la pose de panneaux photovoltaïques, financés par un crédit souscrit auprès d’un établissement bancaire le même jour que la conclusion du contrat de vente. Devant les juges du fond, les acquéreurs avaient assigné le vendeur et les établissements bancaires en annulation des contrats et des crédits affectés, en invoquant des irrégularités sur les bons de commande. Dans les deux arrêts, la Cour de cassation confirme la nullité des contrats de vente prononcée par la Cour d’appel de Douai.
Dans le pourvoi n°21-20.691 se posait tout d’abord la question de savoir si la marque d’un des composants du bien constituait une caractéristique essentielle dudit bien. Après avoir rappelé qu’il résulte des articles L. 111-1, L. 121-17 et L. 121-18-1 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, qu'un contrat de vente ou de fourniture d'un bien ou de services conclu hors établissement doit, à peine de nullité, indiquer, de manière lisible et compréhensible, les caractéristiques essentielles du bien ou du service, la première chambre civile précise que « constitue une caractéristique essentielle au sens de ces textes la marque du bien ou du service faisant l’objet du contrat ». La Haute Juridiction approuve ainsi la Cour d’appel de Douai d’avoir conclu à la nullité du contrat en raison de l’irrégularité du bon de commande, qui mentionnait une marque différente de celle mentionnée sur la facture remise postérieurement à l’acquéreur.
Au-delà du droit de la consommation, la question commune à ces deux affaires était celle de savoir si le juge qui prononce la nullité du contrat peut condamner le vendeur à restituer le prix, alors même qu’il n’est saisi d’aucune demande en ce sens dans le dispositif des écritures des parties. Dans les deux espèces, la Cour d’appel de Douai avait en effet condamné le vendeur à restituer le prix du bon de commande alors qu’elle n’avait été saisie d’aucune demande de cet ordre.
La réponse donnée par la première chambre civile de la Cour de cassation est claire : « L'annulation d'une vente entraînant de plein droit la remise des parties en l'état où elles se trouvaient antérieurement à sa conclusion, ne méconnaît pas l'objet du litige le juge qui, même à défaut de demande en ce sens, ordonne à l'issue d'une telle annulation la restitution de la chose vendue et celle du prix ». Cette solution découle de l’affirmation selon laquelle la remise des parties en l’état est de plein droit, formule déjà employée par la Cour de cassation dans un arrêt qui n’avait pourtant pas été aussi loin que les arrêts commentés, énonçant que les juges du fond n’étaient pas tenus, à défaut de demande expresse en ce sens, d'ordonner la restitution du prix en même temps que la reprise de la chose vendue (Cass. civ. 1ère, 6 févr. 2019, n° 17-25.859). Toujours est-il que si le juge peut ordonner la restitution de la chose et du prix en l’absence de demande d’une partie, les arrêts du 24 janvier 2024 n'en font toutefois pas une obligation.
Notons enfin que si ces arrêts ont été rendus sous l’empire du droit antérieur à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrat, cette solution devrait continuer à s’appliquer sous l’empire du droit issu de la réforme, qui a créé dans le code civil un chapitre V au titre IV du livre III, intitulé « Les restitutions ».
A rapprocher : Cass. civ. 1ère, 6 févr. 2019, n° 17-25.859 ; Cass. civ. 1ère, 24 janv. 2024, n° 22-16.115
Un article rédigé par Lorene Murat du département Concurrence, Distribution, Consommation